Magda Danysz : « La force du mouvement est sa capacité à se renouveler sans cesse »

Son nom est devenu une référence dans le milieu du graffiti et du street art pour peu que l’on s’y intéresse un minimum. Galeriste, experte de ce mouvement, Magda Danysz est avant tout une passionnée qui prend plaisir à partager avec justesse son savoir et sa vision de l’évolution du graffiti et du street art. Ça tombe bien, on lui a demandé son avis sur la question.
Après plusieurs reports pour cause d’agenda chargé, nous y sommes enfin! Il faut dire que c’est un petit événement pour la rédaction d’UAP. La rencontre avec Magda Danysz, la célèbre galeriste parisienne, est enfin arrivée. Le rendez-vous se fait à la galerie même, 78 Rue Amelot, dans le 11ème arrondissement. Elle me reçoit avec un grand sourire dans son bureau et la conversation s’engage tout de suite.

Magda, le street art qui découle du graffiti, est-il un effet de mode amené à rentrer dans la norme ?

On a souvent parlé d’effet de mode, donné le mouvement pour mort ensuite etc… Ce que je constate, c’est que, sur 40 ans, ça continue! Ça se renouvelle et on est toujours étonné. De Futura à Obey en passant par JR, Vhils et Felipe Pantone, on n’aurait jamais pensé que l’on rencontrerait de telles personnes!

 

Là on parle d’art ; en revanche, là où les choses sont plus complexes, c’est quand on parle de marché. L’art et le marché de l’art ce n’est pas la même chose et il ne faut pas les confondre.

 

Magda Danysz

 En effet, en comparaison avec l’art contemporain, ce n’est quasiment rien. On a regardé et un seul artiste a dépassé le million d’euros (Banksy), et seule une petite partie dépasse les 10 000 euros actuellement.

Oui, vous êtes bien renseigné ! On n’est pas encore dans cette grande bulle que l’on voit dans l’art contemporain. Comparativement au marché de l’art, il y a de très bonnes affaires pour les personnes qui suivent un peu.

 

Comment donc expliquer une telle visibilité pour un mouvement dont il y a encore peu de temps était clandestin? 

Dans la perception, dans l’image, dans le goût du grand public pour ce mouvement qui dépasse l’effet de mode, les gens le réalisent actuellement! Dans la rue, devant chez eux, en vacances, sur un trajet, l’art fait partie de la vie! C’est comme un tsunami!

C’est la première fois au monde où on a un mouvement duquel à peu près 90% de la planète ont vu une oeuvre.

 

Magda Danysz

Magda Danysz

Peut-on dire qu’il n’y a pas d’élitisme dans ce mouvement? Dans l’art urbain en général, en comparaison avec les autres courants artistiques? 

 

Oui, c’est ça qui est beau! Ce n’est pas le truc sacralisé, la cathédrale contemporaine ou le musée. Les gens sont conquis très sincèrement! C’est génial au fond, l’engouement est là!
C’est la première fois au monde où on a un mouvement duquel à peu près 90% de la planète ont vu une oeuvre. Si vous allez dans la rue et que vous demandez à quelqu’un :  « Quelle est votre oeuvre minimaliste (ou cubiste, ou bien encore impressionniste) préférée? » Beaucoup de gens n’ont pas les noms en tête. Vous demandez en revanche : « Qu’est ce que vous préférez dans le street art? » Ils vous répondent les mosaïques (Space Invader), les pochoirs etc… Tout le monde sur la planète, exceptées quelques zones, sait de quoi on parle. Le référentiel est là.
Galerie Magda

Galerie Magda

C’est la première forme d’art où une très grande propension de personnes ont une base. Un célèbre auteur disait à propos de la littérature qu’il faut lire 10 000 livres avant de pouvoir être critique littéraire. En art c’est un peu pareil, donc c’est pour ça qu’il y a peu de gens qui vont s’exprimer sur l’art conceptuel car ils n’en ont pas vu beaucoup.
Sur le street art ce qui est génial c’est que beaucoup, beaucoup gens peuvent assez facilement rentrer dedans, et quand on y rentre…(sourire)

Mais Internet ainsi que les réseaux sociaux n’ont ils-pas grandement favorisé la diffusion et la visibilité du mouvement? Je pense à Instagram et Facebook notamment. Deux plateformes que les artistes utilisent pour la promotion de leur travail. 

Ça existait avant mais bien sûr cela a sans conteste accéléré le mouvement, tout comme toute notre société. Le partage d’informations existait avant avec les fanzines, les bouquins, même si Internet a tout explosé, que ce soit dans le street art ou autre part (cinéaste, chanteur etc…). Il faut relativiser par rapport à ça. Dans l’ADN de ce mouvement, il y avait déjà une énorme diffusion car c’est une communauté qui voyage énormément depuis le début.
De plus, les livres « Subway Art » & « Spray can Art » publiés dès 1984 ont été les ouvrages d’art les plus vendus au monde! C’est quand même assez dingue!

C’est sûr! Mais ne risque t-on pas de voir une certaine uniformisation du mouvement voire un appauvrissement de celui-ci avec l’institutionnalisation qui l’entoure et qui se construit autour de lui?

C’est un grand débat. On a donné le graffiti pur et dur voire vandale pour mort, pourtant il est toujours là malgré le succès incontestable du mouvement auprès du grand public. La force du street art & du graffiti est sa capacité à se renouveler sans cesse.

Enfin et pour conclure, que pensez-vous du débat en street art et graffiti? Faire ses preuves dans la rue est-il obligatoire? 

Ce qui est étonnant, c’est que beaucoup de gens oublient ce facteur dans de mauvaises analyses car ils sont entrés dans le mouvement tardivement. Dire que les street artistes n’ont pas eu de phase graffiti est faux. En effet, elle a pu être courte, pas sensationnelle mais ils y sont tous passés. Après il y a toujours des exceptions : bien entendu, chaque artiste cherche le meilleur support pour s’exprimer, cela peut être la rue et/ou l’atelier.
 Merci infiniment Magda !

Pour aller plus loin et suivre l’actualité de Magda Danysz :
FacebookTwitterSite de Magda Danysz