Le quartier de Châtelet-les Halles de Paris semble propice à Pablo Cots. Rencontré lors du projet Wrung et Axe, le 3 septembre 2014, le voici au Centre Pompidou pour installer son workshop au Studio 13/15. Pablo Cots fait partie de ces rares artistes urbains à nuancer son travail en atelier et sur les murs.
T-shirt, jeans et baskets aux pieds, Pablo Cots s’active derrière la vitrine du Studio 13/15 du Centre Georges Pompidou pour son workshop. Un pinceau à la main, Pablo Cots explique que la pratique du skateboard a éveillé en lui sa passion pour le graffiti. A 15ans, il est allé aux portes-ouvertes d’une école d’art : une révélation. Trop mauvais en dessin, il a raté une première fois les concours pour cette école. Il a alors décidé de prendre des cours de dessin qui lui donneront finalement, après un baccalauréat spécialisé, accès aux Beaux-Arts de Paris.
Vous êtes graffeur et cependant vous n’avez pas de pseudo, pourquoi?
J’en ai un et je continue toujours de graffer. Depuis 20 ans, ma passion est le graff cependant je ne me considère pas comme un artiste de Street Art. Entre mon travail dans un terrain vague et celui dans mon atelier, une différence existe.
Cette différence entre les deux, est-ce voulu ?
C’est naturel, sans aucun calcul. J’adore le graffiti mais en faire sur toile ne m’intéresse pas. Cependant j’ai peint beaucoup de tableaux qui représentaient des paysages avec des graffitis. Je ne les ai pas travaillés à la bombe mais au pinceau. Avant tout, pour moi, la beauté peut s’exprimer aussi dans un terrain vague défoncé et des murs tagués.
Mais certains trouvent incohérent que les graffeurs travaillent pareil sur les murs et sur toile même si c’est pour gagner leur vie. Qu’en pensez-vous ?
Il est vrai que la mode du Street Art me gêne un peu donc je ne sais pas quoi en penser. En tant que graffeur, je n’ai jamais été un gros vandale et en tant que public, je m’intéresse aussi bien à un graffiti d’enfant, qu’à un très mal fait. Si je m’y intéresse, alors que d’autres non, c’est parce que je suis captivé par la typographie.
Pourquoi la mode du Street Art vous gêne-t-elle ?
Déjà le fait que ça soit une mode. Je vais trouver certaines choses marrantes dans la rue même si l’exécution n’est pas parfaite. Cependant quand je les vois en galerie, elles me semblent bizarres. En même temps je me rends compte que je suis contradictoire. Mes peintures rendent hommage aux graffitis. Et quand je graffe dans des terrains vagues, je fais des clins d’œil aux fanions américains, à la typographie. Après pour moi, pourquoi dit-on « artiste de rue » ? Si demain un boucher devient artiste, on ne va pas dire un artiste boucher. Je pense que tu es artiste et c’est tout. Certains font des trucs dans la rue mais ne sont pas artistes pour autant.
Après avoir vu votre travail, j’ai pensé à Diego Riviera (peintre mexicain) ainsi qu’à certaines BD espagnoles de mon enfance. Quelles sont donc vos sources d’inspiration ?
C’est bizarre, vous êtes la deuxième personne à me le dire. Le Mexique j’adore. Je ne suis pas inspiré par des artistes en particulier mais par le quotidien. Par rapport à la bande dessinée, je suis surpris car je n’ai jamais été très bande dessinée. J’adore par contre les vieux livres. Mon inspiration vient sûrement de là. Je trouve que la qualité esthétique d’avant disparait. Des vieilles typographies, de vieilles illustrations, des images un peu abimées par le soleil, le papier qui jaunit… Ma source d’inspiration vient aussi des graffitis des années 70/80. Je me sens plus proche de cette époque-là que de celle du street art actuel. Mais il ne faut pas que ça soit pris de manière péjorative ce que je dis. Et puis avec Internet, certains font trois trucs dans la rue, et après ils partagent tout sur la toile pour être connus. J’ai des potes qui faisaient beaucoup de choses dans la rue, il y a 10 ans mais sans les réseaux sociaux, ils n’ont pas eu cette reconnaissance.
Aujourd’hui, vous êtes au centre Georges Pompidou pour un projet pour les enfants. Vous participez également au projet d’Axe et Wrung dont le vernissage était hier. Comment avez-vous été amené à travailler sur tous ces événements ?
J’ai participé à l’événement de Wrung et Axe car j’ai été contacté par Thibault Classic. Il travaille dans l’édition, il est aussi curateur et surtout c’est lui qui a choisi les artistes pour le projet. De toute façon, je travaille depuis un moment avec des marques comme Eckö, Nike et maintenant Wrung, pour ne citer qu’elles.
Et quelle a été votre inspiration pour le set 3 ?
On devait faire un travail sur le thème de la paix et la musique. J’ai choisi une colombe. Elle lutte pour la paix le poing en l’air, elle n’est pas passive. « Grand Master » est un clin d’œil au premier dj, premier scratcheur américain vers les années 70 (Grandmaster Flash, de son vrai nom Joseph Saddler). « Pax » veut dire « paix » en latin, je change ainsi des « peace, paix ». Et j’ai repris les codes du premier sweater fait par le milieu hip-hop des années 80 avec les lettres gothiques, un peu en arc de cercle. Devant j’ai mis un P comme dans le baseball américain. Après c’est le P de Pablo, de Paix.
A l’heure actuelle pensez-vous que les artistes (graphistes, sculpteurs, etc.) reprennent un peu plus le devant de la scène ?
Il y a un vrai retour à tout ce qui est artisanal. Plein de métiers ont été oubliés ainsi que leur savoir-faire à cause des machines et d’Internet. Résultat avec tous ces outils beaucoup pense être artiste. Mais ce n’est pas parce que tu connais Photoshop et Illustrator que tu es graphiste. Un bon graphiste sait dessiner avant tout. Maintenant tout ce qui est manuel devient du luxe. La preuve : les beaux magasins font appel à ces peintres spécialisés.
Le street art justement permet-il ce retour au manuel ?
Oui et il peut aussi amener à s’intéresser à l’art. Tu prends un ado qui ne connait rien à l’art. Si tu lui montres un Keith Aring peut être qui se sentira plus toucher. Et petit à petit, on pourra l’emmener à s’intéresser à l’art.
Quels sont vos autres projets ?
Je dois faire une édition pour une marque française de mode pour le mois d’octobre 2014. Je continue aussi à faire des typographies pour des agences de publicités. Voilà ce qui me plait c’est de ne pas toujours faire la même chose. J’ai de la chance, je peux toutes les semaines, tous les mois faire quelque chose de différent. Je fais également de l’édition. Je fais du graffiti et je suis artiste aussi.
Interviewé par Marie-Ange Baudin