Un duo fantastique. Sismikazot. Passionnés de photographies, sensibles et complémentaires, ils parcourent les routes avec une démarche simple, à la recherche d’authenticité, d’amour et de proximité. Toutes ces choses constituent entre autres, leur inspiration et leur énergie pour avancer.
La parole au duo ..
Sismik & Azot ? Une histoire pour ces deux blazes ? Vous venez d’où ?
On a commencé le graffiti il y a maintenant dix ans. C’était à Toulouse.
Au début on faisait essentiellement des lettres puis petit à petit notre style a évolué, changé et prit une autre direction. Il a grandit, mûrit et surtout il s’est affirmé. Au début comme la plupart des gens qui commencent on s’inspirait à fond des autres lettreurs jusqu’à détester nos premières inspirations. C’était bien cette époque, l’insouciance et la rage des débuts. Nous n’avons aucune histoire en particulier avec nos blazes. La seule chose qui nous tient à cœur aujourd’hui c’est de ne plus dissocier nos deux pseudos. Sismik et Azot n’existent plus ou quasi plus. On insiste vraiment sur notre nom Sismikazot, tout attaché, sans majuscule ou esperluette ou barre oblique pour séparer les deux. Si c’était à refaire on choisirait peut être Paul et Rémi. Sinon on vient du Lot, des purs produits du terroir. On s’est connu au collège à Saint Céré. Aujourd’hui on a notre atelier pas très loin, un de nous vit à Toulouse et l’autre entre Bordeaux et Arcachon.
Vos débuts ? vos préférences et ce qui est percutant pour vous dans votre art ?
On parle de nos débuts dans la questions d’avant, on va donc pas trop insister. Juste sur le fait qu’on y pense souvent et qu’on est fier de comment se construit notre histoire. En fait on arrive à la fin du début. Disons que nous sommes encore dans nos débuts et bientôt prêt pour la suite même si chaque réveil on se rend compte qu’on a plus vingt ans. Mais est ce que notre début est vraiment le moment où on a commencé le graffiti. Parce que avant ça on faisait du rap, on prenait beaucoup de photos et on traînait beaucoup. C’est peut être ça nos débuts. On a fait mûrir le truc en faisant, sans trop sans rendre compte et surtout sans le calculer. La date du début serait 2007 mais fin des années 90 on baignait déjà à fond dedans.
C’est dur de parler de nous et de dire ce qui est percutant dans notre art. Mais sincèrement on pense que c’est notre démarche de rencontres, tous les témoignages et les images que nous arrivons à récolter pour construire nos peintures. Après, on est pas sûr que ce soit très pertinent mais les coulures font partie entière de nos œuvres. Et surtout le fait de jongler entre trois éléments très importants à nos yeux, abstrait, écritures et figuratif toujours issus de nos propres photos. Nous apportons beaucoup d’importance à mettre ses trois éléments sur le même pied d’égalité.
Vos techniques de peinture et vos inspirations ?
Nous apportons beaucoup d’importance à la technique et énormément au résultat et non à comment on va faire pour y arriver. Pour l’élément figuratif si on peut on utilise un rétroprojecteur, sinon on fait une mise au carreau. On part toujours de nos propres photos, chose très importante à nos yeux. En terme de matériel, sur les grosses façades on peint essentiellement à l’acrylique, perches, pinceaux, rouleaux et autre matériel de notre fabrication interne. On cherche à créer en grand ce qu’on arrive à faire en plus petit. Nous utilisons de moins en moins de bombes aérosols sauf pour des écritures, des effets particuliers ou la signature. Sur toile on peint beaucoup à l’huile, depuis peu, mais c’est un médium très vivant qui nous plaît beaucoup et qu’on a envie d’explorer de plus en plus.
Concernant nos inspirations, elles sont larges et on pourrait en parler pendant des heures. Elles sont autour de nous et évoluent constamment. La peinture, la photographie, la musique, la littérature, les voyages, nos rencontres, la psychologie et tant de choses qui nous passionnent et restent nos principales sources d’inspiration.
Çà vous fait quoi de peindre des fresques aussi géantes ? et aussi percutantes ?
Pas plus que de peindre une toile, de faire un throw up, préparer un barbecue, aller à la plage ou au ski… C’est comme si on demander à un plombier, ça vous fait quoi d’avoir posé ce tuyau ? On pense qu’au bout d’un moment même si ça le fait kiffer à fond ça devient aussi un automatisme, une routine. Après ce qui est vrai, c’est que c’est quand même une belle routine. Si vous dîtes que nos fresques sont percutantes, merci. Ce n’est pas à nous de le juger. Nous voulons qu’il y ait du sens. Nous apportons autant, voir plus d’importance au fond qu’à la forme. C’est quand même toujours un challenge pour nous de réaliser de grosses fresques. C’est un match de boxe avec le mur. Le regard des gens est toujours important mais nous sommes nos deux premiers spectateurs, et très exigeants avec notre travail. Mais on se pose toujours la question de quelle est la limite et la taille maximum que l’on pourra faire.
Je prends comme exemple votre projet-réalisation à Pessac, franchement c’est assez fou. Vous en dites quoi ? Pourquoi ce nom ? cet homme ? ce lieu ? ET, combien de temps avez-vous mis pour faire cet oeuvre ?
En fait il y a deux œuvres à Pessac, une un peu moins vu qui est sur le quai de la gare. Nous ne savions au début pas trop comment aborder cette thématique qui est : LE CORBUSIER. Comment appréhender cette thématique ? Petit à petit nous avons vu beaucoup plus clair dans nos têtes et avons choisi un angle qui nous correspond au mieux. Après avoir potassé pas mal d’ouvrages et nous être plongés sur l’historique de Le Corbusier et plus précisément sur la Cité Frugès présente à Pessac nous avions envie de réaliser ces deux peintures.
La première se situe côté voie ferrée au tout début de la gare de Pessac en venant de Bordeaux. Cette partie abstraite est notre vision de la cité Frugès et celle des habitants de Pessac que nous avons sondés. Certaines lignes d’architecture sont reprises et on peut distinguer la toiture terrasse, les fenêtres en bandeau et l’escalier blanc que l’on retrouve dans la cité de Pessac. Toutes les phrases inscrites sont des témoignages de passants Pessacais qui nous ont donné leur point de vue. Nous retrouvons bien sûr dans cette peinture les couleurs utilisées par Le Corbusier. Le cadre noir, souvent utilisé dans nos peintures fait ici aussi une référence à l’amour que l’architecte avait pour les angles droits. Ensuite, la fresque la plus imposante avec l’élément figuratif est la fresque principale. La question que tout le monde se pose. Qui est cet homme ? Est-ce un Pessacais ? Dans un premier temps quel homme vivant à Pessac pourrait faire l’unanimité et aurait une légitimité à être peint à Pessac. A nos yeux aucun. Nous peignons essentiellement des personnes vivantes et surtout nos propres photos. Cette chose est très importante à nos yeux, primordiale dans notre démarche artistique. Nous ne pouvons pas représenter l’architecte sachant qu’il est mort. L’homme que nous avons fait représente alors une action, un sentiment. Il est assis sur un banc et pourrait être dans ce que l’on imaginerait un « sas de décompression ». Il est ici entre sa journée de travail et le moment où il va rejoindre sa famille après une longue et difficile journée de travail. Il a la cité Frugès dans son dos et on pourrait l’imaginer en train de faire le vide face à un mur blanc. Une action est un moment de méditation qui était cher à Le Corbusier et qu’il a mis en place dans certaines habitations. Nous voulions un homme d’un certain âge qui a bossé toute sa vie en tant qu’ouvrier. Le Corbusier voulait une accessibilité au logement à tous. C’est aussi un clin d’œil à ça. Et pour nous le fait de peindre dans la rue est aussi une référence à notre art qui est accessible à tous, ouvert à tous, visible par tous et qui ne s’adresse pas à une catégorie de gens en particulier. Nous avons choisi comme titre « ENTRE DEUX MONDES » pour des centaines de raisons. La première ce passage entre la journée de travail et la maison. Assis sur son banc le personnage est clairement entre deux mondes… Puis c’est le bien et le mal, les riches et les pauvres… Entre deux villes, deux frontières, deux personnes. C’est aussi une fresque située pour nous exactement sur la voie ferrée qui séparent Pessac en deux parties. Notre cœur et notre vie balancent souvent entre deux mondes, notre vie artistique et notre vie perso… Nous nous retrouvons alors à 100% dans ce que nous avons fait ici.Nous avons mis six jours pour réaliser cette œuvre. C’est en moyenne le temps qu’il nous faut pour réaliser une façade.
Votre regard sur le milieu du graffiti-streetart aujourd’hui ?
On est deux et on a peut être des avis qui divergent même si on se rejoint sur beaucoup de points. On regarde pas trop ce qui se fait tout en ayant quand même un regard sur le truc. On croise des gens, des artistes, des spectateurs. Avoir un avis c’est assez compliqué. On ne sait même pas trop comment se placer, si on est vraiment dans la case « Street Art ». Enfin depuis cette interview pour vous, est ce qu’on peut dire qu’on est : « street art » ? En ce qui concerne le graffiti on pense qu’il se porte pas trop mal. Autant qu’il y a quelques temps. C’est bien de différencier le street art et le graffiti puisque aujourd’hui c’est comme ça. On a du mal à comprendre pourquoi. Cette question est très compliqué, l’utilisation du mot « street art » nous dépasse un peu. Il faut de tout pour faire un monde, de tout pour faire une ville. L’évolution est assez folle. Ce serait tellement nul de dire que c’était mieux avant, et d’ailleurs avant quoi ?
On souhaiterait avoir votre avis sur ce que représente selon vous le fait de peindre des fresques de cet envergure dans une ville comme Pessac ?
Pour nous l’art et la peinture murale à sa place partout du moment qu’il y ait des murs. On a déjà peint dans des tout petits villages de cent habitants. Pessac est une grande ville alors il y a forcément des gens à qui ça ne va pas plaire et d’autres conquis, beaucoup de questionnements, c’est ce qui nous importe.
Vous êtes au courant que vous faites rêver les passants en faisant ce genre de peinture ?
C’est assez difficile de répondre à cette question. Ce serait surtout très mal venu de répondre et de dire : oui nous sommes au courant que nous faisons rêver les passants. Nous, on fait notre job, on se fait plaisir au mieux. Une fois notre travail rendu on est plus sur le terrain donc on ne sait pas exactement ce qui se passe et ce qui se dit. Même si on a des échos et qu’on reçoit beaucoup de messages sur les réseaux. Nous avons aussi beaucoup d’échanges et de discussions avec des passants, on est conscient que nos peintures permettent aux gens de s’évader, de se poser des questions parfois intimes. Mais il faut aussi avoir énormément conscience que toutes ces personnes nous apportent beaucoup, c’est surtout pour ça qu’on ne se lasse pas et qu’on avance.
Pourquoi ce concept particulièrement humain ? Pourquoi et qui sont ces hommes et femmes que vous voulez nous raconter ?
Il n’y a aucun concept réfléchi. On aime les gens. L’humain, la culture et le partage est à nos yeux la clé du bonheur. Si on enlève l’être humain il n’y a plus de vie. On illustre avec nos peintures essentiellement des émotions et des sentiments. Le figuratif de nos fresques est le reflet d’une thématique que nous avons choisi.
Nous apportons beaucoup d’importance aux gens « simples ». L’ordinaire est à nos yeux extraordinaire.
D’autres projets à venir sur Bordeaux ? ou Gironde ?
La semaine qui arrive on va passer un peu de temps sur Bordeaux puisque nous allons bosser dans un collège avec une classe de 3ème. Le collège s’appelle Jean Monnet. C’est à Saint Ciers sur Gironde. Ensuite nous allons faire un événement au salon de tatouage L’Homme Invisible gérer par un ami Matthieu, Crewer de son nom de graffiti artiste. Nous venons avec notre dernier bouquin LA VIE VA VITE EN VRAI 4, le quatrième volume d’une série. Nous avons créé toute une expo autour de ça. On en ramène un bout. Et dernière petite chose aussi on reviendra à Pessac début novembre car nous sommes jury d’un concours « Street ART » qui a lieu chaque année pendant les Vibrations Urbaines…
Un mot pour la fin ?
Merci.
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