Les avancées technologiques influencent continuellement l’Art et les artistes. On l’a vu par exemple avec la naissance du Post-Internet dans les années 2010. Technologie et Art riment donc bien souvent ensemble. Mais récemment une toute autre type de relation entre Art et Technologie est apparue et révolutionne les idées traditionnelles qui définissent la création Artistique.
En effet, ouvert en 2012, un laboratoire situé dans le New Jersey aux Etats Unis se spécialise dans la génération d’œuvres d’Art par des Intelligences Artificielles. Le AAIL (Art and Artificial Intelligence Lab) a déjà introduit plusieurs types d’Intelligences Artificielles. Certaines sont notamment très utiles aux galeristes, collectionneurs ou aux assurances. Capables de classifier par périodes, artistes, ou encore mouvements, elles peuvent distinguer par exemple un ‘vrai’ d’un ‘faux’.
Mais depuis une année, les avancées de ces IA ont accéléré de façon exponentielle. Le labo travaillait en effet sur un tout autre type d’Intelligence Artificielle : les GAN (Generative Adversarial Networks), une IA capable de créer des images par elle-même en sélectionnant des éléments d’une base de données composée de près de 80 000 œuvres occidentales datant du 15e au 20e siècle. Ce genre de IA imaginait des images assez psychédéliques mais desquelles l’on pouvait détecter les influences de peintres historiques. Cette image par exemple, s’inspirait visiblement de La Nuit Étoilée de Vincent Van Gogh. Mais son créateur, Ahmed Elgammal, voulait que les images que l’IA produisait soient entièrement originales pour être considérée comme « Art ». Jusqu’en 2017, cette Intelligence Artificielle n’arrivait qu’à produire des images composées et pas totalement originales. Mais l’année dernière donc, les Intelligences Artificielles CAN (Creative Adversarial Networks) de l’AAIL (une autre IA sortie par le labo) ont réussi à produire des œuvres entièrement originales et en ne sélectionnant aucuns éléments de sa base de données.
Mais comment arrivent-elles à produire ces images ? Une Intelligence Artificielle fonctionne par apprentissage et par ce qu’on appelle un système de ‘couches’. Comme les fonctions cognitives de l’Homme, l’IA apprend d’une base de données (rentrée au préalable par l’Homme), puis créée d’autres couches qu’elle ajoute à ses données précédentes. Plus elle produit, plus elle apprend et développe ses capacités à remplir sa fonction, qui dans notre cas est de produire des images ‘originales’ et esthétiquement intéressantes.
Les difficultés rencontrées lors de la programmation de l’IA CAN étaient notamment de produire une image belle esthétiquement, sans être pixelisée, se distinguant des œuvres entrées dans sa base de données et surtout l’IA devait produire une image qui ressemblait à de ‘l’Art fait par des humains’. Lorsque ces images furent produites, le programmeur Ahmed Elgammal s’est dit « Wow, si cette œuvre était dans un musée, je l’adorerais. » Et c’est à ce moment que les images créés par CAN furent élevées au « statut » d’Art.
Ahmed Elgammal n’est pas le seul à avoir apprécié les œuvres générés par les IA pour son esthétique. A Frankfurt et Los Angeles, la STATE Studio Pop-Up Galerie et le Art+Event Frankfurt Book Fair consacraient l’exposition « Unhuman : Art in the Age of AI » à l’Intelligence Artificielle CAN. En affirmant ces images comme œuvres d’Art légitimes, cette exposition questionne à la fois le statut d’auteur, d’Artiste (comme Marcel Duchamp le faisait cent ans au paravent avec sa « Fontaine »), mais elle pousse aussi les limites de la création Artistique.
Jusqu’à présent, c’étaient aux connaisseurs, aux historiens de l’Art, ou bien encore aux curateurs de juger l’esthétique d’une œuvre d’Art et d’évaluer son processus créatif. Mais avec les créations de cette Intelligence Artificielle, c’est toute cette tradition qui se voit bouleversée. L’Art n’est plus réservé aux Hommes, du moins c’est ce que pense ce laboratoire. Mais est-ce que l’Art peut être réduit à son esthétique et/ou originalité?