Graffeur, artiste autodidacte, Jean Rooble dessine depuis son enfance. Né à Versailles en 1981, il grandit à Bordeaux où il vit et travaille. Baigné dans la culture hip-hop depuis le début des années 90, il commence le graffiti en 1999. Il travaille d’abord le lettrage, puis le personnage, et se fait rapidement remarquer. En 2008, il décide de se consacrer entièrement à son art et créé l’association Les Frères Coulures. De par sa pratique il s’implique dans de nombreuses actions culturelles telles que l’animation d’ateliers, la réalisation de prestations, l’organisation d’événements ou les échanges culturels internationaux.
D’où viens-tu ? Qui es-tu ?
Je m’appelle Jean Rooble & je viens de Bordeaux. Cela fait bientôt 20 ans que je suis graffeur dont 10 ans exclusivement. Ma spécialité est le photo-réalisme. Je fais partie d’un collectif que j’ai monté avec mes potes & qui s’appelle « Les Frères Coulures ».
Est-ce-que tu peux nous raconter tes débuts dans l’univers du graffiti?
J’ai découvert ce mouvement au collège, après j’ai toujours dessiné depuis que je suis gamin, des personnages. Ensuite, je me suis inspiré et recopier des BD de mon époque, du style Pif Hercule, Dragon Ball, les mangas, etc. C’était la culture qu’on avait à l’époque.
Ensuite je me suis inspiré des photos qu’on avait au lycée. J’ai commencé à pratiquer le graffiti sur sketch en 94-95 et j’ai alors décidé de croiser les 2 disciplines.
C’est à la fin des années 90 que je me suis initié à la peinture, tout simplement parce que j’étais tout seul et que je ne savais pas vraiment comment prendre le truc. J’ai rencontré des gars avec qui on a créé un collectif qui s’appelait 2BR, c’était un crew de graffeurs avec qui on a commencé à peindre, à faire nos armes sur des terrains vagues, des sorties nocturnes, et le week-end travailler de la fresque, voyager un peu partout… C’était les années d’apprentissage.
Voilà, jusqu’à 2008 où on a créé « Les Frères Coulures » et c’est devenu une asso, je me suis mis à mon compte. Je me suis dit qu’y’avait peut être moyen de gagner sa croûte en étant artiste, et puis on était beaucoup sollicité. Maintenant ça fait 10 ans que je gagne ma vie comme ça, il y a plus ou moins de succès mais au moins ça me permet de payer mon loyer.
Comment définirais-tu ton style, tes techniques et ta façon de travailler ?
J’ai trouvé mon style peu à peu… Dans le milieu, c’était de faire des graffs, des lettrages. Je suis graffeur, la base c’est le travail de la lettre (dans un style de défi technique plutôt wildstyle). Par la suite y’a eu le personnage (le photo-réalisme qui est plus fastidieux, mais aussi beaucoup dans l’illustratif avec l’influence des Bboys américains et des inspirations de personnages de BD). Je travaille sur des personnages plus cernés, un peu déformés, et ça c’est le moment où je vais dessiner sans modèle, sans pression du résultat. Petit à petit, j’essaie d’inclure les techniques de photo-réalisme mais ce sont des rares espaces de liberté que je m’accorde, parce que c’est un travail hyper pointu, le travail de volume, de couleurs… Dans le temps, j’espère que j’arriverai un jour à faire des personnages réalistes sans avoir besoin de photos, mais j’en suis pas la encore.
Qu’est-ce-qui t’as donné envie de participer à l’expérience de LBV ?
C’est Sarah qui m’a contacté de UAP Bordeaux, elle avait remarqué mon travail. Ce qui m’a donné envie de participer c’est tout simplement le lieu atypique, la vidéo du château avec Okuda, et après l’histoire du château en elle-même. J’avais envie de savoir à quoi ressemblait ce spot et c’est toujours l’occasion de sortir de Bordeaux, rencontrer de nouvelles personnes, se faire des contacts, passer de bons moments. Même si on gagne pas d’argent, le but est de se faire plaisir, de bouger, découvrir des lieux et de laisser des traces sur le festival.
Tu peux nous décrires ton mur ?
Il s’appelle « Androïdo », en japonais, je suis parti d’une photo d’un pote à moi qui s’appelle Landroïd, artiste bordelais que j’admire pour son travail et que je respecte beaucoup en tant qu’humain. J’ai pris une photo à la dernière minute pendant le trajet que j’avais sous la main, et j’ai construit un mur autour de l’univers qu’il aime bien , un peu de vieilles affiches de films de science-fiction. J’ai contourné le côté Dr Jekyll et Mr Hyde, pour Dr Landry qui est son prénom et Mr Nar qui est son premier pseudo de graffeur.
Ca donne cet espèce de personnage mi homme mi robot, mi androïde. C’est un clin d’œil à son nom et pour moi c’était l’occasion de travailler sur la couleur, le photo-réalisme, un travail plus dessiné, plus graphique. C’était l’occasion aussi de reprendre un travail sur des typos un peu asiatiques qui m’embarquaient car j’ai voyagé en Asie. La grosse partie Chrome c’est tout simplement « Rooble » en coréen, c’est l’égo-trip. J’ai voulu mettre en valeur le cerveau car mon pote est quelqu’un d’introverti, qui réfléchi beaucoup, il a toujours des idées complètement ouf. De l’autre côté, j’ai peint une partie super réaliste avec en haut quelqu’un qui crit « Oh Oh Androïdo » en japonais car il est toujours au second degrés. J’aime bien le fait de travailler avec mes propres photos, parce que j’ai longtemps travaillé avec des photos prisent d’internet, ça m’arrive encore mais j’essaye maintenant d’éviter de le faire parce que ça change tout.
1 mot qui te définirait en tant qu’artiste
Humain, je peint des humains et c’est le fil conducteur de ma vie. Autant c’est difficile pour moi d’aller vers les gens, j’étais timide plus jeune, mais ça à clairement changé ma vie puisque je peux en vivre et peindre mon entourage (ma famille, mes amis). Associer le modèle à la démarche c’est quelque chose qui me tient à cœur.
Tu pourrais envisager de te peindre en auto-portrait ?
Oui je l’ai déjà fait plusieurs fois, c’est pas que j’aime ça mais surtout parce que je suis le modèle le plus disponible. Après y’a pas de trip particulier, je préfère peindre les autres, associer les gens à ma démarche.
Le ressenti de ton passage au domaine ?
C’est cool ! Le domaine est chouette, on est à la campagne, ça fait du bien, c’est calme. Je suis content que y’ai pas plus d’artistes, j’ai été privilégié car j’étais quasiment tout seul ! J’ai eu la chance d’être tranquille et comme je suis un fétard modéré ça me va aussi. J’ai été hyper bien accueilli, j’étais avec Pénélope, Elise et d’autres depuis le début, j’ai croisé encore d’autres personnes super, on a passé de bonnes soirées. Si j’avais un mot pour définir le domaine je dirais « Diversifié », y’en a pour tout les goûts, c’est pour ça que je pense que c’est réussi.
Peux-tu nous parler d’expériences qui t’ont marqué à l’étranger ?
Bon j’ai pas fait le tour du monde, et après j’ai voyagé pas forcément pour peindre… Je crois que l’expérience la plus atypique qui me vient à l’esprit sur le moment et que les conditions étaient vraiment particulières c’est je suis allé en Corée du Nord. Je suis parti avec ma copine pour visiter le pays, j’ai pris contact avec un artiste qui était sur place à Séoul, il s’appelle Drol, il vient du Havre et sa femme est Coréenne. Il m’a permi de peindre, il m’a aiguillé, il connaissait bien la ville donc il m’a montré les endroits, on a été peindre sur des toits dans un quartier très ouvrier… C’était un quartier un peu perdu, trash, mais c’était un jour férié, on a peint un bloc en haut des immeubles et il fesait super chaud! On a peint qu’à l’acrylique noire au pinceau, ce que je ne fait jamais, parce que les bombes là-bas sont très chères. C’était une sacrée bonne expérience, au début tu flippes un peu, t’hésites parce que t’es quand même en Corée du Sud, y’a pas forcément d’autorisations mais c’est pas interdit non plus. Et au final ça s’est hyper bien passé et on est resté en contact.
Une nouvelle destination en vue ?
Je part en Bosnie cet été, je vais tâcher de peindre dans la capitale, y’a une culture graffiti là-bas claire et que j’ai des potes qui connaissent bien le coin. C’est des pays qui ont été en guerre y’a pas très longtemps et il reste des endroits délabrés, qui ont été détruits et puis même l’économie tourne au ralenti. C’est une ambiance particulière, c’est l’Est, les Balkans, j’ai bien envie de faire ça. Je suis jamais allé au Etats-Unis, pourquoi pas aller à Los Angeles pour voir des trucs un peu plus frais mais sinon pour l’instant, à réfléchir.
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