Du 3 novembre au 1er décembre, la Galerie Openspace accueille pour la première fois deux expositions en parallèle dont la confrontation met en perspective l’œuvre des deux artistes allemand et français SatOne et Maxime Drouet. A leur manière, chacun d’eux convoque une expérience vécue en solitaire, depuis l’intérieur d’un wagon ou celui de l’atelier, et invite le spectateur à la revivre en se l’appropriant. Leurs œuvres s’enracinent dans un moment de vie et un état d’âme, une certaine disposition sensible pour l’un, une nuit clandestinement passée dans un train pour l’autre, et déploient un langage abstrait qui mise sur la couleur et la matière pour saisir le spectateur à l’épiderme.
Avec Mirror Cabinet, SatOne l’invite à y regarder son propre reflet comme le suggère le titre de l’exposition. Il s’agit donc pour l’artiste de présenter au public un miroir de sa propre image. Les compositions à la fois géométriques et texturées de SatOne sont des invitations à un voyage intérieur. On vibre à la densité de leurs couleurs, au fondu d’une plage chromatique à l’autre, aux soubresauts soudains qui donnent le rythme d’une musique dont on n’entendrait que l’écho.
SatOne 
SatOne
Opaque, liquide, translucide ou brossée, la couleur se décline en mouvements qui suscitent plénitude ou mélancolie, espoir ou agitation. Ces dynamiques contraires découlent du processus lui-même antagoniste de l’artiste qui alterne entre préméditation et spontanéité, ajout et soustraction de matière, formes géométriques et organiques. D’apparence abstraites, les œuvres de SatOne s’inspirent pourtant de son environnement immédiat –architecture, design, publicité – et sont le fruit d’une collecte insatiable de matériel visuel. L’artiste assemble ensuite ces images en collages qu’il utilise comme référence, tout en cherchant à créer des équilibres de forces.
Une démarche d’écoute intérieure qui tranche en apparence beaucoup avec l’attitude conquérante et indocile de Maxime Drouet, vivant au rythme de ses expéditions vandales et du frisson de l’interdit. Pourtant, L’instant effacé nous révèle – pour la première fois à la Galerie Openspace – un artiste lui aussi passionné de couleurs et dont le processus créatif s’enracine également dans la dualité. Celle du dehors-dedans, du visible et de l’invisible. Comme pour les compositions de SatOne, il y a double lecture et on entre dans l’œuvre comme dans un espace qui aurait sa propre fréquence. La qualité immersive des œuvres de Maxime Drouet est magnifiée par leur présentation dans des caissons lumineux et une pièce plongée dans la pénombre. L’effet de transparence ainsi rendue évoque à la perfection celle de la vitre de train que l’artiste a photographié avant de quitter les lieux aussi furtivement qu’il était venu.
Maxime Drouet 
Maxime Drouet
Happé malgré lui dans ce monde clandestin, le spectateur se laisse submerger par une émotion quasi-mystique. Car il est difficile de ne pas prêter à l’artiste une dévotion toute religieuse devant ses vitres-vitraux qui s’illuminent comme de l’intérieur d’une nef sombre le jour éclaire les scènes bibliques des églises. Les dogmes de ce culte d’un nouveau genre ? La liberté à tout prix, le mouvement, le mépris des règles établies et l’élan créateur comme principe souverain. Et Maxime Drouet méprise jusqu’aux codes du graffiti dont il est l’héritier, puisqu’il chamboule son mode de lecture et jongle entre lettrage et abstraction pure pour nous présenter l’envers du décor. Mais du graffiti l’impétuosité demeure, et surtout le lien avec une pratique qui est surtout expérience et mode de vie. Cet « instant » que Maxime capte ensuite sur la pellicule est voué à la disparition, comme l’émotion vive que SatOne saisit sur la toile et qui s’évanouit quand l’élan s’interrompt.
Une exposition double à plus d’un sens du terme, qui donnera l’occasion d’un beau voyage intérieur à ceux qui oseront s’approcher et entrer dans l’univers de ces deux artistes de talent.
Hélène Planquelle
Infos pratiques
GALERIE OPENSPACE
116, boulevard Richard Lenoir – 75011 Paris
