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1UP : un vrai collectif de graffiti

Lorsque je suis retourné à Berlin après plusieurs années sans y être allé, un aspect de la ville (enfin certains quartiers) m’a de nouveau frappé. Je ne crois pas qu’il existe une ville en Europe, voire au monde, aussi graffée que la capitale allemande. Dans le quartier de Kreuzberg notamment, quasiment aucun bâtiment n’est laissé vierge. A la différence d’autres villes, le graffiti et le tag sont encore très présents à Berlin, bien davantage que le “street art”. Ce dernier est devenu davantage conventionnel de nos jours. Par “street art”, je sous-entends les fresques murales dont le côté esthétique est difficilement réfutable.

Parmi ces graffitis, deux traits reconnaissables se distinguent : ceux des Berlin Kidz tout en verticalité et identifiables par leur calligraphie propre et les couleurs rouge et bleu utilisées, et ceux du collectif 1UP. C’est ce collectif, présent aujourd’hui partout dans le monde, que je voulais vous présenter.

Toit à Berlin

Un collectif vandale 

Le collectif 1UP est fondé à Berlin en 2003 avec une ambition bien particulière dans le monde du graffiti. Leur intention : ne mettre aucun de ses membres en avant. Initialement, les membres fondateurs avaient tous leur signature personnelle. Puis ils se sont rendu compte qu’ils seraient bien plus efficaces et marquants s’ils décidaient de se regrouper autour d’un seul nom.

Le graffiti et le tag, par essence, sont des milieux individualistes où le but est de se mettre en avant en taggant ou en graffant son blase dans des endroits toujours plus visibles et toujours en plus grand. Mais 1UP s’affranchit de cette logique, et même de par son nom : 1UP signifie “1 United Power”. A ses débuts, le collectif est très célèbre pour ses actions coup de poing et devient emblématique dans la scène vandale. Leur emplacement préféré ? Les trains de Berlin, que ce soient les métros ou les S-Bahn (équivalents de nos RER). Un exemple : les voici en train d’arrêter un train pour repeindre entièrement un wagon, le tout en un minimum de temps.

S-Bahn (train) à Berlin

Etre le plus visible possible

A la manière des graffeurs des métros de New-York des années 70-80, leur but est d’être le plus visible possible et les trains sont toujours le meilleur moyen d’accomplir cet objectif. Mais le collectif ne s’arrête pas là et n’hésite pas à investir également les stations de métro et la rue. Ils trouvent d’ailleurs là leur terrain de jeu favori : afficher le blase du collectif sur les toits. La prouesse devient alors athlétique puisqu’il faut toujours aller plus haut afin d’être visible par tous et pour montrer une forme de supériorité.

Les techniques employées sont diverses : le but n’est pas juste d’être haut mais d’être grand et visible. Ils n’hésitent donc pas à utiliser des extincteurs au lieu des sprays classiques afin d’être plus efficaces dans les actions coup de poing menées. Sur la vidéo ci-dessous, tournée à Athènes, on remarque à nouveau cet aspect de la prouesse physique et du placement : les 1UP veulent être vus partout dans la ville et n’hésitent jamais à innover et prendre des risques.

Une présence internationale

En regardant leurs graffitis et si vous êtes curieux et habitués à lever la tête pour observer les murs parisiens, vous avez pu vous demander : “Pourquoi est-ce que ce sigle m’est aussi familier ?”

C’est très simple : le collectif 1UP est sans doute le collectif de graffiti le plus international à l’heure actuelle. Du fait qu’aucun membre du collectif ne soit identifiable, ils peuvent souvent voyager sans être reconnus et aller recouvrir des nouveaux endroits. Voilà pourquoi vous pouvez voir leur sigles sur certains immeubles parisiens (il faut juste lever la tête !) voire sur certaines rames de métro ci-dessous (ils en reviennent toujours à leurs premiers amours).

Métro à Paris

Mais les 1UP ne se limitent pas à l’Europe, et sont allés plusieurs fois à la conquête de l’Asie, notamment Bangkok ou encore Bali, ou de l’Amérique latine, que ce soit Sao Paulo ou Cuba. Ils expliquent dans une interview qu’ils n’ont pas toujours d’objectif précis et qu’ils décident parfois de tagger ce qu’ils rencontrent, sans l’avoir anticipé auparavant. Les voici ainsi en Asie du Sud-Est, à peindre en Malaisie et Indonésie.

Une rébellion face à la commercialisation de leur art ?

On pourrait se poser la question de l’existence d’un tel collectif à l’heure actuelle. En effet, les 1UP restent majoritairement vandales et ont donc toujours le risque de se faire arrêter, alors que le street art est désormais bien accepté dans la société et même dans les galeries. Il s’avère qu’ils ont eux mêmes eu une exposition solo pour les 10 ans du collectif à Berlin, constituée de photos et d’installations vidéos. Ils n’ont donc pas forcément un a priori négatif sur la commercialisation du graffiti et du street art (ils ont même sorti un livre) et ne dénigrent pas le street art (comprendre ici “fresques murales”).

Pourquoi un tel collectif est important aujourd’hui ?

Mais des différences fondamentales existent entre l’action de collectifs comme 1UP ou Berlin Kidz et les oeuvres de certains street artists. Comme expliqué dans une interview, les 1UP estiment qu’une certaine forme de street art n’a pas le droit au “respect” car elle peut être utilisée pour reprendre le contrôle d’un mur qui servait à des vandales. Dans ce cas, on bafoue l’esprit initial du graffiti et du tag puisque ces artistes vont recouvrir des taggeurs et graffeurs implantés dans le milieu vandale depuis des années.

1UP se démarque également de l’individualité propre au graffiti et au tag. Ici, tous les membres du collectif sont égaux, du fondateur au dernier arrivé, et aucune différence n’est faite. En interview, il n’est d’ailleurs pas possible d’identifier les fondateurs car l’important est davantage d’avoir un impact que de se mettre en avant de façon personnelle. En collaborant au sein d’une même bannière, les 1UP sont capables d’atteindre des endroits inimaginables et d’avoir des placements toujours plus originaux. Pour preuve, lors de mon récent voyage au Sri Lanka, voilà ce sur qui je suis tombé le long d’une voie de chemin de fer…

Voie de chemin de fer à Ella (Sri Lanka)

En conclusion

Voilà pourquoi j’estime que les 1UP ont une place à part dans l’ère actuelle du graffiti et du street art : certes des graffeurs vandales existent partout et il n’est pas impossible que certains se réclament du crew sans en faire partie, mais je trouve qu’aucun n’a la force de frappe de ce collectif. Leur exploit est d’être resté fidèle à leurs valeurs depuis 15 ans et d’être en constante innovation et recherche de nouveaux endroits à graffer. Leurs prouesses techniques et athlétiques sont d’autant plus impressionnantes qu’il ne faut pas oublier que la majorité d’entre eux a un travail la journée et qu’ils effectuent leurs actions coup de poing la nuit et de façon illégale.

Bref, levez les yeux, et vous serez surpris de voir les placements audacieux des 1UP ou d’autre graffeurs, de Paris à Bangkok, de Berlin à Sao Paulo.

Cet article a été intialement publié sur le site y-grec.com que je vous invite vivement à consulter !

Sources :