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Manyoly à la Galerie Deux6

Manyoly, une artiste que nous avions déjà rencontrée (article ici), pose des portraits de femmes aux couleurs vives sur les murs, à Marseille, sa ville de résidence, ou encore à Paris. Elle présente sa première exposition solo « Intuition » à la Galerie Deux6 dans le 7ème arrondissement de Paris, jusqu’au 16 février.

L’intuition, c’est le fait de pressentir quelque chose sans analyse ni raisonnement, et c’est ce que donne à voir l’exposition. Rencontre avec Manyoly, quelques jours avant le vernissage.

Tu as voulu travailler sur le métal pour cette exposition, pourquoi ?

J’ai découvert le métal en faisant de l’urbex, je me suis mise à récupérer des plaques de métal car j’en trouvais beaucoup. Ce qui me plaît, c’est de travailler la rouille en utilisant la technique des bains de sel. En faisant stagner du sel sur le métal, des auréoles de rouilles apparaissent. Pour obtenir un résultat intéressant, il faut retourner la plaque régulièrement pendant 2 semaines ainsi que rajouter sel et eau dans le bac où elle trempe. Ce qui est intéressant c’est l’histoire qui se raconte derrière, des arabesques de rouille aléatoire qui seront le fond des tableaux.

Depuis 2014 tu colles tes visages de femmes dans la rue, en quoi cela t’a aidé à réaliser ta première exposition ?

Cela m’a apporté des rencontres, des collaborations que jamais je n’aurais pu faire. J’ai été agent d’artiste pendant 10 ans, j’ai travaillé dans des galeries et le contact dans la rue n’a rien à voir avec celui dans les galeries. Dans la rue c’est plus facile, il n’y a pas de filtre alors que dans les galeries les gens n’ose pas parler.

Ton travail dans la rue a-t-il influencé ta façon d’aborder différentes textures ?

C’est le fait de travailler dans la rue qui a ramené les affiches sur mes tableaux. Je partage avec un ami une passion pour les affiches récupérées dans la rue, à chaque voyage j’en rapporte. J’ai même des strates de papiers que je stocke chez moi.

Lorsque j’étais dans mon atelier je me suis demandé comment faire le lien entre ce que j’expose et ce que je fais à l’extérieur. La réponse était simple : l’affiche.

Sur quatre de mes tableaux, il y a des morceaux d’affiches qui viennent de Londres. C’était à l’origine des affiches qui étaient sur un mur qui a été recouvert de collages à plusieurs reprises par des amis et moi-même. Quand la porte a brûlé à proximité du mur, il s’est écroulé et j’ai récupéré l’ensemble des bouts d’affiches restantes.

J’ai aussi récupéré des affiches à Paris et à Marseille même si en ce moment c’est plutôt à Paris car à Marseille les affiches sont plutôt mornes.

Les couleurs de tes portraits sont intenses, elles interpellent. Comment tu les choisies ?

Dans l’atelier j’ai un pot de blanc pour faire les yeux mais pas de noir, le reste ce sont des couleurs que je dilue et que je mélange. Je fabrique le plus souvent mes couleurs à base de pigments et de lien acrylique pour la rue et aussi en huile pour le travail sur toile.

Je vois la vie en couleur, quand je vois quelqu’un je sais déjà avec quelles couleurs je vais peindre la personne, j’ignore pourquoi. Dans l’atelier, j’associe les couleurs je ne réfléchis pas ce qui peut être joli, c’est complètement instinctif. J’ai aussi des périodes pour les couleurs, parfois quand je trouve que c’est trop rouge je retire la couleur de l’atelier et je commence à peindre avec d’autres couleurs.

Tu parles d’intuition, c’est aussi le titre de ton exposition. Cela fait-il référence à celle de l’observateur par rapport au tableau ou celle que tu as eu en les peignant ?

Les deux, l’intuition c’est difficile de mettre un mot dessus. Quand on regarde un tableau et qu’on l’aime on ignore souvent pourquoi.

Quand je décide de dessiner une femme je ne sais pas pourquoi, je croise un regard et c’est intuitif.

C’est agréable de l’observer quand les gens regarde mes tableaux, voir qu’il se passe quelque chose. Les visages de ces femmes ont tous une émotion mais chaque personne qui les regardent va y transposer la sienne, les gens ne voient pas la même chose et moi je ne dis pas ce que j’y vois.

Les portraits ont des noms, parfois des noms de femmes ou des noms de sentiments.

Comment choisis-tu les noms que tu leur donnes ?

Parfois c’est le nom de la personne qui m’a inspiré, ou « le nom de la personne que je vois s’appeler comme ça ». C’est ce que je décide en dernier.

Comment appréhendes-tu ta première exposition personnelle à Paris à deux jours du vernissage ?

Je n’appréhende pas, il y a deux mois oui j’avais peur de ne pas être prête, le délai était cours mais j’avais dis oui, et quand je dis oui je m’y tiens. J’avais fait assez de tableaux pour la galerie, même un en plus qu’on va accrocher dans une école. Là je suis rassurée car tout est installé, les tableaux sont aux murs et la lumière les met en valeur, donc maintenant il n’y a plus qu’à les présenter le jour J.

Comment trouves-tu ton équilibre entre les deux mondes que sont le street art et les expositions ?

L’un et l’autre sont indissociables, j’alterne les deux. Dans l’atelier j’ai un côté ermite, solitaire, je peux y rester des mois. Le street art m’apporte le contraste car je rencontre des gens, je voyage. L’an dernier, j’ai fait 7 pays différents, des projets fous que je n’aurais jamais réalisés sans les rencontres dans la rue.

On me propose de plus en plus de projets sur des murs plus pérennes, des vraies peintures pas que des collages. Les gens sont demandeurs et je trouve ça « très chouettes ».

En tant que femme dans le street art as-tu rencontré des difficultés particulières ?

Globalement on est moins nombreuses que les garçons mais ça ne m’a jamais posé de difficultés.

Il n’y a que récemment que j’ai réalisé que ça pouvait fermer des portes. Je vais vers les gens naturellement, je n’attends pas qu’on vienne vers moi, mais là je suis allée voir une galerie en leur disant que j’adorais ce qu’ils proposaient mais qu’il n’y avait pas d’artistes femmes. Ils m’ont répondu « c’est une volonté de notre part ». Je n’ai pas cherché à comprendre mais je me suis demandée : pourquoi ça fermerait des portes d’être une femme ?

Dans les festivals de street art il y a souvent plus de garçons car ils sont plus souvent sollicités, il n’y a pas de volonté de faire de parité alors que c’est facile de trouver des filles si on cherche.


Infos pratiques

Galerie Deux6

66, avenue de la Bourdonnais

75007 – Paris

Ouvert du mardi au samedi de 11h à 19h.

Claire Durand