On entre à la Galerie Terrain Vagh comme on entrerait chez soi. Du 27 juin au 13 juillet, le collectif App’Art fondé par Marilou Thirache et Klaus Gerke, accueille une dizaine de jeunes artistes et designers avec pour ambition de faire rentrer l’art à la maison. Ici, il s’agit d’investir une galerie d’art et de la transformer en lieu de vie, celui du collectionneur, un concept nouveau qui a été proposé par Mofida Atig, la galeriste.
Les meubles design écolo de Lou Saint-Cyr côtoient le baldaquin labyrinthique réalisé par Kelkin, ou encore les installations de Léo Lucioni et vêtements de Stéphanie Coudert, sans oublier les objets recouverts de céramique d’Alain Vagh.
L’exposition explore plusieurs techniques et exprime différents discours, mais tous les artistes se rejoignent sur ce point : ils veulent changer le monde, à leur niveau, en faisant entendre leur voix et leur vision d’artiste, par la création.
Pollution, surconsommation, questionnement sur la place de l’artiste, matières premières, sens de la vie : ce sont tant de questions parmi d’autres abordées au détour d’un lit, d’une table de salon, d’un boudoir, d’une cuisine et même d’un atelier où le street-artist Kelkin travaille sur toiles et panneaux de signalisation alors que les visiteurs l’observent un verre à la main, lors du vernissage. Dans cet appartement éphémère on se laisse donc aller à la rêverie, en déambulant parmi les pièces. On entre par un salon accueillant, dans lequel on reçoit et qui exprime souvent notre personnalité. Ici, c’est la volonté d’interpeller sur notre mode de vie qui domine. Les œuvres de Niki Johnhead construisent un discours sur la pollution, celles de Léo Lucioni s’articulent autour de la consommation excessive des individus. Le retour aux matériaux bruts est aussi exploité, comme le sel avec Marie Rolland ou la lave mise en valeur par Juliette Dumort dans des objets du quotidien (table basse, lampe). Une vidéo projette une performance de Camille Sauer, dans laquelle elle s’évertue au piano, sous la pression d’un professeur, métaphore de sa place d’artiste face à la logique de la société qu’elle tente de comprendre et d’intégrer
On continue vers une chambre, lieu de l’intime et refuge des fantasmes illustrés par Clémentine Kuku, et des rêves de Kelkin en passant par les courbures féminines des tableaux en volume d’Amal Alzerhani. Le boudoir nous invite alors, comme un entre-deux, dans un cocon de douceur et de féminité, dont Vanessa Vagh et Stéphanie Coudert sont les ambassadrices. Puis nous passons par la cuisine, où les œuvres de Léo Lucioni invitent ici encore à la réflexion sur la surconsommation, et sur la futilité des objets que nous élevons au rang de préciosités.
On se sent bien dans cette atmosphère à la fois curieuse et chaleureuse, empreinte de jeunesse et de contemporanéité, celle des curateurs, des artistes et du public. Le message rappelle que nous sommes tous de possibles collectionneurs, nous pouvons tous recevoir l’art chez nous et en faire des objets d’exception mais aussi d’affection… et de tous les jours. Le collectif App’Art fait vivre l’art de façon dynamique et cet angle de vue métamorphose le lieu de vie, grâce aux talents de ces jeunes artistes et designers prometteurs. Ils nous font miroiter une existence poétique par
un retour dans un chez soi imaginaire, où la sensualité des matériaux (fourrure, béton, lave, sel, céramique) fait écho à l’intime de l’appartement.
En résumé, un seul mot d’ordre : faites comme chez vous.
Infos pratiques :
Exposition « App’Art Ephémère » du 27 juin au 13 juillet, à la Galerie Terrain Vagh, 24 rue des Fossés-Saint-Bernard, 75005 Paris
Axelle Delorme