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Rencontre avec Tilt – “Pour moi, le graffiti est une action plus qu’un art” #1

Tilt - Montresso ©

http://montresso.com/portfolio_item/tilt/

ARTICLE 1 : À la découverte de Tilt

Vous avez toujours voulu en savoir un peu plus sur les artistes qui vous entoure ? Excellent,  nous espérons que le sujet vous plaira. Nous sommes parties à la rencontre de Tilt, figure incontournable du graffiti à Toulouse, mais pas que. Nous lui avons posé quelques questions sur son parcours, ses références, ainsi que l’essence de son engagement dans le mouvement du graffiti.

Hello Tilt ! Merci de nous accorder de ton temps ! Tu reviens actuellement d’une résidence artistique au Maroc, c’était comment ? 

Ce sont même deux résidences qui ont donné lieu à une grosse exposition. Ça s’est passé dans une fondation à 20 km de Marrakech, la fondation Montresso. Elle a été créé par un franco-russe qui travaille avec des artistes d’horizons différentes et ce lieu est juste, hallucinant ! 

Lassée par la vague street art (Mickey, Vuitton, Chanel, Suprême) qui s’opère dans le monde entier, la fondation a préféré s’en détacher. Elle mélange art contemporain, art africain et post-graffiti au street art, tout en sélectionnant des artistes issus davantage du graffiti.

Habituellement ce sont des expositions collectives, car ce lieu est aussi grand que le rez-de-chaussée des Abattoirs (musée d’art contemporain de Toulouse), donc c’est énorme ! J’ai fait des toiles gigantesques, des installations et de la photographie. J’ai bossé un an dessus. Pendant que j’organisais le festival Rose Béton, ce qui n’a pas était facile. 

D’accord très intéressant, avant qu’on rentre dans les détails de ton travail, est-ce que tu peux nous le présenter ? Comment est-ce que tu définirais ton style ? Qu’est-ce qui t’as animé au commencement ? 

J’ai commencé vers les années 88-89 à faire des tags. Je pense que vous n’étiez pas nées (rires). Je suis issu du milieu du skate et à l’époque ces deux cultures étaient hyper liées. Les gens qui ont commencé le graffiti dans les années 80 étaient, soit associés au Hip-hop par la danse, soit associés à la rue par le skate. 

On a commencé à voir dans des vidéos de skate américain qu’il y avait des mecs qui peignaient dans les piscines, les “bowls” et on s’est dit : ****, c’est quoi ce truc ça tue !  

C’est l’idée d’une contre-culture qui m’a intéressé. Je considère aujourd’hui le skate comme une contre-culture mais c’est également une culture mainstream. C’est-à-dire qu’elle est controversée, bien qu’elle fût à la base alternative. Il en est de même pour le Street art aujourd’hui, il provient d’une contre-culture, mais il peut être également mainstream.

Si j’étais né plus tôt, je pense que j’aurais été punk dans un groupe ! 

Il y a une différence entre un gamin qui se met dans le street art aujourd’hui et un gamin de 18 ans qui se mettait dans le graffiti en 88. Ils ne cherchent pas du tout la même chose. 

Le mainstream s’adresse au plus grand nombre. Aujourd’hui, j’ai l’impression que les motivations pour entrer dans le Street art sont un peu comme ça… Pour une reconnaissance, des followers, pour être invité dans des Jams partout dans le monde, pour vendre des toiles et tout ça. 
L’envie d’appartenir, de participer à un mouvement n’est plus la même aujourd’hui.

À l’époque, l’objectif du graffiti était de peindre des trains, passer des nuits sur des voies ferrées, entrer dans des squats, côtoyer des endroits bizarres, être avec une bande de potes, mettre ton nom partout gratuitement et voler tes bombes. C’était complètement une autre culture. On faisait des photos argentiques que l’on développait pour les coller dans un book. Il n’y avait pas Instagram, ni Internet d’ailleurs. 
Ma motivation était très pure, viciée par rien.  Ça a marché dans le skate et dans le graffiti

J’ai ensuite eu la chance de rencontrer des mentors, parce qu’il y avait des graffeurs avant moi. Ils m’ont aidé à comprendre que peindre à l’arrache faisait partie intégrante d’une vaste culture américaine. Cette culture était là depuis 15 ans, avec des trains magnifiques, des King’s, des styles, etc. Là, je me suis dit que ce sera ma culture à vie ! Et voilà, ça fait 30 ans cette année, 31 ans (rires). 

On peut dire que tu es vraiment tombé dedans ! À partir de là tu n’as jamais arrêté ? 

J’ai le parcours le plus traditionnel qui soit dans le graffiti. C’est à dire que j’ai fait des tags, des flops, des trains, des squats, j’ai voyagé pour le graffiti, j’ai beaucoup peint la rue. J’ai ensuite fait un peu des toiles, parce que c’était cool et qu’il y avait eu une belle expo en 1991 au Palais de Chaillot (Paris) et ça m’a donné des envies ! J’ai arrêté parce que ça me saoulait. À ce moment-là, j’ai passé beaucoup de temps en collectif, dans des groupes avec notamment la Truskool. 

D’ailleurs, il y a un bouquin intéressant, c’est True School : la naissance du graffiti à Toulouse avec Ceet, Ber, Tober, 2pon, Sike, Soone. Tous les gens de la première génération et du collectif dont je faisais partie. Ça parle de la naissance du graffiti avant nous, de nos mentors, et pourquoi est-ce qu’on a développé le graffiti toulousain à l’international. 

Ce sont aussi des femmes comme Miss Van, Fafi, qui ont créées la spécificité d’ici. Elles ont peint dans l’illégalité. Cette époque, c’était avant que le street art existe ! Même si c’était des petites poupées à l’acrylique, mignonnes, dans la rue trop bien placées, c’était des meufs et ça, c’était hyper cool. On ne pouvait pas dire que c’était des graffeuses, parce qu’elles ne peignaient pas à la bombe et qu’elles ne faisaient pas de lettrage. 

Pour moi, c’est ça aussi la naissance du Street art, avec par exemple Space Invaders à Paris. C’était dans les années 90 à peu près, avant même que le terme de street art existe. On observait Space Invaders (ou d’autres gars, qui pratiquaient l’art dans la rue d’une nouvelle façon) et on se disait, “ il est marrant lui, il est bizarre ce mec” (rires). Le mot street art n’existait pas. 

Le terme de Street Art est arrivé avec Banksy à peu près, quand il a commencé à être sérieusement connu et qu’on ne pouvait pas le qualifier de graffeur, parce qu’il faisait des pochoirs. Donc, c’est là qu’ils ont inventé ce nom à la con qui fout la merde aujourd’hui. Ce mot fait que beaucoup de gens ne s’y retrouvent pas et pour beaucoup c’est aussi devenu un gros mot, vous voyez ? 

Si tu me dis que je suis un street-artiste, je ne suis pas d’accord. C’est comme si tu dis à un skateur qu’il fait de la trottinette, ça ne va surement pas lui plaire. 

Au fil des années j’ai voulu développer un travail plus personnel. Mais en n’étant presque exclusivement en collectif, je ne pouvais le faire que dans mon atelier. Un peu à l’écart, j’ai pu chercher un propos, une écriture, quelque chose de personnel. 

C’est pourquoi, depuis une quinzaine d’années j’ai un travail d’atelier. Ce travail et l’arrivée du Street art ont fait que ma pratique du graffiti c’est ensuite radicalisée. 

Je ne prends du plaisir qu’à peindre la nuit, faire des flops à l’arrache

Même le fait d’aller dans un terrain vague, pendant quatre heures pour faire une pièce avec mes potes, ça me plaît moins. C’est pour ça que je fais des flops la nuit et au maximum ! 

Rendez-vous la semaine prochaine pour découvrir la vision de Tilt sur le mouvement graffiti et comprendre l’évolution de ce dernier.  Nous découvrirons ensuite la vision de Tilt sur le graffiti et l’art urbain à Toulouse

Échange mené et retranscrit par Jane Vinot et Laura Ribes