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[Interview] L’artiste C215 demande un soutien de l’Etat pour la rémunération de l’art urbain

Le street-artiste Christian Guémy (C215) devant sa fresque réalisée le 3 juin à Saint-Ouen « En mémoire d’Aïcha Issadounène » , la caissière de supermarché décédée du Covid-19 le 26 mars. JOEL SAGET / AFP

Après deux mois d’inactivité, les artistes urbains et le marché de l’art en général souffrent des conséquences économiques de la crise sanitaire du Covid-19. Dans une tribune publiée dans le Journal du Dimanche le 30 mai dernier et cosignée par une cinquantaine d’artistes et d’élus politiques, le pochoiriste C215 demande à l’État de soutenir la commande publique territoriale d’art urbain, en réclamant un revenu minimum pour les artistes sollicités pour ce type de projet. Cette aide spécifique serait plafonnée à 15 000 euros par an.

Urban Art Paris s’est entretenu avec Christian Guémy, alias C215.


Vous avez publié une tribune dans le Journal du Dimanche, cosignée par une cinquantaine d’artistes et d’élus politiques, pour réclamer au gouvernement un soutien fort pour les commandes territoriales d’art urbain. Selon vous, quelles sont et seront les conséquences de la crise du Covid-19 pour les artistes urbains, si aucune mesure n’est prise ?

Comme pour de nombreux secteurs d’activités, le marché de l’art se trouve fragilisé après deux mois de confinement. Des événements culturels qui devaient avoir lieu ont été annulés, certaines petites galeries risquent de fermer. Et durant la période estivale, les galeries enregistrent généralement une baisse de leur activité. Si l’économie de l’art chute, on demandera certainement à des artistes d’intervenir gratuitement, ou même pire, ils abandonneront le métier d’artiste pour se consacrer à autre chose. Il n’y a pas que la passion de l’art, il existe aussi une dimension économique non négligeable. De plus en plus d’artistes auront du mal à vivre, si aucune mesure n’est prise à ce niveau.

Le gouvernement prévoit un grand plan de relance pour le secteur culturel. Que contient-il ?

Emmanuel Macron s’est exprimé à ce sujet le 6 mai dernier et a d’abord évoqué le spectacle vivant, le théâtre, l’opéra. Pour l’art contemporain, ça avance doucement. Depuis, des voix diverses se sont fait entendre.

L’art urbain n’a pas été une priorité pour le gouvernement, car il n’a pas vraiment de statut. Cependant, j’ai été entendu par un conseiller présidentiel, et en ce moment, le projet de soutien aux artistes urbains est en cours d’examen. Alors, je suis plutôt optimiste.

Quelle est votre proposition au gouvernement pour soutenir les artistes urbains ?

Je demande à l’État de garantir une aide financière aux artistes qui bénéficient de commandes officielles publiques. Cette subvention d’État représenterait la moitié de la somme déjà engagée par la collectivité territoriale (ville, département, région), plafonnée à 15 000 euros par an et par artiste. Un protocole signé avec la Société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques (ADAGP) permettrait d’acheminer les commandes territoriales. La somme serait versée directement à l’artiste par le biais de celle-ci.

Aujourd’hui, les artistes qui répondent à des commandes territoriales obtiennent seulement des subventions locales, et nos seuls interlocuteurs sont les maires des villes. Il faut que le système change. Jusqu’à 15 000 euros par an, l’artiste aurait la garantie de toucher un salaire minimum. Les mairies n’ont pas toujours les moyens de commander des fresques. Il s’agit d’abonder la commande territoriale pour la rendre attractive et transparente, car la subvention locale ne garantit pas la rémunération des artistes.

Comment les artistes pourront-ils bénéficier de cette subvention ?

Il faut que les artistes soient inscrits à l’ADAGP en tant qu’artistes urbains. Le bon de commande est à envoyer à cette société qui gère les droits d’auteur afin qu’elle puisse rémunérer directement l’artiste. Les mairies pourront également poster leurs annonces sur l’ADAGP, qui vérifiera ensuite le bon déroulement de la commande publique. C’est donc l’ADAGP qui prend tout en charge. Aujourd’hui, 1 000 artistes urbains y sont inscrits.

Avec le confinement, l’espace public a été abandonné pendant plusieurs semaines. Y voyez-vous un moyen de reconquérir l’espace public ?

Avant tout, je souhaite que les artistes gagnent leur vie. Cette mesure permettra de diffuser l’art urbain dans toutes les villes de France et de les rendre attractives. On peut sans aucun doute imaginer que cette mesure sera favorable aux villes et villages des campagnes, qui n’ont pas forcément les moyens de commander des fresques publiques.


Crédit image : JOEL SAGET / AFP. « Le street-artiste Christian Guémy (C215) devant sa fresque réalisée le 3 juin à Saint-Ouen « En mémoire d’Aïcha Issadounène » , la caissière de supermarché décédée du Covid-19 le 26 mars. »