Site icon Urban Art Crew – Association faisant la promotion de l'art urbain. Agenda, expo, festival autour du graffiti et du street art.

Rencontre avec Mitts – L’artiste qui transforme les rues d’Athènes en son propre terrain de jeu ! #2

Épisode 2 : Focus sur la ville d’Athènes

Notre rencontre avec l’artiste Mitts nous a permis de comprendre ses motivations et de mieux saisir son style et ses différentes techniques. Dans cet article, Mitts nous parle des spécificités de l’art urbain à Athènes. Dans cette capitale où l’atmosphère est tendue, beaucoup d’artistes décident d’exprimer leurs revendications sur les murs de la ville. 


Peux-tu nous expliquer quelles sont les spécificités de l’Art Urbain à Athènes, et en Grèce en général ?

Athènes est une ville ancienne et multiculturelle, mais c’est aussi une ville difficile. De l’extérieur, il fait bon vivre en raison du beau temps qui semble tout couvrir, mais les gens sont en colère à cause de la crise économique. Tout le monde est en colère depuis plusieurs années, car notre gouvernement est plus ou moins corrompu. Je ne pointe pas du doigt les autorités. Je veux juste rendre les gens heureux pour qu’ils se souviennent qu’ils peuvent avoir une pensée joyeuse dans leur journée. 

Les grandes fresques murales, c’est quelque chose de nouveau à Athènes. Ces 10 dernières années, des artistes ont commencé à créer des grandes œuvres. Par exemple la fresque d’iNO « Wake Up » qui représente deux mains est très célèbre. Il est connu, car son œuvre était une demande du maire et de diverses organisations.

« Wake Up » par iNO

Mais d’autres personnes qui créent de supers œuvres ne sont pas aussi célèbres. Ces artistes sont des peintres pour la plupart. Moi je ne suis pas un peintre, je suis designer. C’est autre chose, mais j’interagis avec les gens. C’est ma spécialité.

As-tu déjà eu des problèmes avec les autorités de la ville lorsque tu exprimais ton art dans la rue ?

Ça s’est une grande histoire ! Pour replacer les choses dans leur contexte, mon travail à la craie n’est pas illégal, car j’utilise des matériaux qui ne sont pas permanents. Si je peins ou écris quelque chose dans la rue, après la pluie ou après 15 jours ça ne sera plus là. Pour les Kafaos, bien sûr, ça va rester. À l’origine, c’était une action légale. Le maire avait demandé à certains artistes de peindre ce qu’ils voulaient sur ces boîtes. Après que ce projet se soit terminé, j’ai juste continué à peindre dessus. Jusqu’à maintenant, personne n’a rien dit. 

Donc, l’été dernier, le maire a décidé de lancer le projet « The great walk of Athens ». Toutes les routes dans Athènes ont 4 voies. Comme vous l’avez compris, cette ville a un gros problème de stationnement, car elle a été construite pour 2 millions d’habitants et maintenant, 4,5 millions de personnes y vivent. La moitié de la population grecque vit à Athènes.

Donc, le maire a décidé d’investir énormément d’argent dans un projet qui consistait à séparer ces 4 voies. Deux voies pour les voitures, bus, taxis, bicyclettes… Et deux voies piétonnes autour du centre historique. Deux voies ne pouvaient plus être utilisées.

La police contrôlait les alentours avant l’inauguration de cette « Great walk ». Une journée avant l’ouverture, le maire décida de décorer ces deux voies piétonnes avec des énormes pots de fleurs qui coûtent des millions d’euros. Évidemment, il existe différentes opinions, mais je vous raconte mon point de vue.

Un jour avant qu’ils n’installent les plantes, je suis allé sur ces deux voies pour écrire un magnifique « Kalimera » en calligraphie. C’est un vœu, une manière de souhaiter une bonne journée. La police du maire est venue me voir pour me demander ce que je faisais. Tout en affirmant que ce que j’étais en train de faire était illégal. Je les ai prévenus que ce n’était pas illégal et que ça n’allait pas rester pour toujours. Mais les officiers étaient très stressés, car le lendemain, le maire devait faire sa présentation.

Donc, pendant que je parlais à la police, ils ont envoyé un signal au poste pour informer que quelqu’un était en train d’écrire des messages antifascistes, etc. Ils étaient vraiment paniqués. Ils ont donc envoyé un homme avec une citerne pleine d’eau pour tout effacer. 

Quand j’ai raconté mon histoire sur Facebook, c’est devenu viral. Mon histoire était publiée partout ! Tout le monde donnait son opinion. Ça a ouvert un énorme dialogue, les gens se battaient. Le secrétaire général du maire a eu vent de cette histoire et m’appela. Il s’excusa pour le malentendu qui avait créé un énorme débat. Il a même dit que je pourrais venir au bureau pour discuter des choses que je pourrais faire pour Athènes. Évidemment, je n’y suis jamais allé et nous ne nous sommes jamais recontactés. J’ai ensuite posté une nouvelle publication expliquant que le maire s’était excusé et que cette histoire était finie. Mais même un mois après l’histoire était encore partagée sur les réseaux sociaux.

Penses-tu que la ville d’Athènes est un endroit où les artistes peuvent s’exprimer librement ?

Les autorités laissent les gens s’exprimer dans des cadres légaux. Donc beaucoup de gens se cachent et dessinent en dehors de la ville ou pendant la nuit. Ils veulent se protéger et protéger leurs noms et leurs visages. C’est pourquoi ils utilisent des surnoms, des tags, des signatures. Au bout d’un certain temps, de nombreux artistes, ont atteint une certaine notoriété comme Wild Drawing, Yiakou ou encore Dreyk le Pirate… Ces artistes connaissent et respectent les endroits où ils vont dessiner. Ils ne vont pas nuire. 

Dans Athènes, il y a beaucoup d’endroits en marbre et certaines personnes écrivent dessus, ou saccagent des beaux dessins… Il n’y a pas de contrôle donc personne ne leur dira qu’il faut qu’ils respectent l’endroit. Mais n’oubliez pas qu’à Athènes, la colère de ces dernières années est le sentiment le plus populaire ! Les gens ont des problèmes avec la police donc ils décident de s’exprimer à leur façon. Beaucoup d’artistes décident de mettre en lumière les mauvaises choses de notre société.

Pourquoi les gens sont-ils en colère à Athènes ? 

La raison principale est la crise économique. La plupart des gens ont d’énormes dettes à la banque. Ils perdent leur maison, leurs vies. Le chômage est très élevé et personne ne croit les politiciens. Évidemment, ils veulent les croire, mais ils n’y arrivent pas. Les politiciens sont des menteurs. Ils aident les banques et pas les gens. En fait, l’État devrait aider les gens, mais peut-être que le gouvernement ne le veut tout simplement pas. Mais c’est quelque chose de plus global. Ce n’est pas uniquement le cas en Grèce, c’est global. Les gens et les artistes ont besoin de calmer cette colère. 

Mais les choses changent ! C’est difficile de changer la situation financière, mais on peut changer la situation psychologique ! C’est la première étape. Pour ça que je choisi d’être positif. Je l’ai choisi parce que c’est ma façon de vivre. C’est une décision que j’ai prise. 

Est-ce que la colère est encore plus présente en cette période de Confinement ?

Disons que la vie est en pause, ce n’est pas facile à gérer. C’est donc le moment de créer de l’art, car le besoin de joie est encore plus grand. 

As-tu déjà peint dans une autre ville qu’Athènes ?

Bien sûr ! Partout où je vais, je laisse ma trace, comme à Thessalonique ou en Crète. Quand nous étions en vacances en Crète avec Eliza, la presse locale a beaucoup aimé, car j’ai créé un « Kalimera » à Héraklion. Cette ville est la capitale de la Crète. 


Rendez-vous la semaine prochaine pour la suite de la rencontre avec Mitts dans laquelle il nous parlera de ses différents projets et de l’impact de ses œuvres sur le public ! 

Échange mené, traduit et retranscrit par Oksana Monteiro Peixoto.