N’avez-vous jamais rêvé de regarder au microscope un trait d’aérosol, de pouvoir comparer un trait de fat cap pink et un cap aiguille, une coulée de peinture se répandant sous pression sur la surface et de pouvoir immortaliser ses flots, le temps figé ?
C’est le pari du Norvégien Benjamin Laading que de surdimensionner un trait allant du plus large au plus fin et d’en observer tous les vides et les pleins, et quand il s’aventure à la sculpture il fige les turbulences de la viscosité de ce liquide jaillissant avec force. Si vous cherchez un nom pour ce que fait Benjamin Laading, vous pouvez nommer ces instants volés au temps et figés sur l’espace de la toile, du « spray conceptuel », un trait qui se débarrasse de la figure, et de la lettre au profit de sa propre exaltation.
La peinture n’existe dans 99,9999999997 % pas que pour elle-même. J’ai pris les probabilités de la physique quantique premièrement parce qu’il y a quelque chose de profondément scientifique dans la peinture de Benjamin et secondement parce que Feynman a écrit dans La nature de la physique que la science ne dit pas ce qui est vrai de ce qui est faux, mais détermine des probabilités, ce qui nous éloigne d’une pensée dogmatique et rend hommage à Galilée.
Benjamin semble élever la peinture, qui appartient aux sciences humaines, aux sciences pures ou du moins, pour être plus réalistes à créer des porosités entre la science dure et l’art. Que ce soit par le choix des thèmes, des blasts aux représentations orbitales aussi bien que par leur processus. Si les thèmes sont évidents, le processus n’est pas forcément visible : Benjamin passe des heures à étudier ses traits d’aérosol qu’il réalise au préalable et à choisir l’étude la plus parfaite, la tache parfaite, celle qu’il va reproduire en grand pendant des heures… Celle qui sera peut-être celle sous laquelle on invite ses amis pour dîner.
Lorsqu’on écoute l’histoire de sa première œuvre nous ne pouvons que penser nous aussi vouloir inviter nos amis à diner sous une de ses œuvres. Une œuvre conceptuelle, empruntée aux mathématiques, une logique et une rigueur implacable, qu’il sait réchauffer de la fantaisie appartenant aux arts plastiques. Ou bien celle qui nous entraînera dans nos rêves sans se douter du temps qu’il a coûté à Benjamin de peindre ces toiles sous lesquelles on dîne et parfois devant lesquelles on s’endort.