Épisode 3 : Un jeu avec le public
Les deux premiers articles (#1, #2) de cette rencontre avec Mitts nous ont permis de mieux comprendre ses pratiques et les enjeux de l’art urbain à Athènes. Aujourd’hui, nous allons découvrir ses différents projets et la manière dont il emmène le public à interagir avec lui.
Quel message souhaites-tu véhiculer à travers tes œuvres ?
Je souhaite véhiculer de la joie. J’espère que pour un moment les personnes oublient leurs problèmes. Effectivement, les gens ont besoin de se rappeler qui ils étaient avant cette période difficile.
Tu écris quelques messages en anglais, pourquoi as-tu choisi de changer de langue à certains endroits ?
Eliza : Il ne se fait pas confiance avec ses compétences en anglais. Mais l’anglais peut être compris par tous donc il considère que s’il y arrive les autres le peuvent aussi. Par exemple, il a fait un jeu de mots avec « Love Town » et « Lockdown », car quand on les entend, les sonorités sont presque identiques.
Tes créations sont très colorées, penses-tu qu’en utilisant des couleurs vives, tu attires plus l’œil du public ?
C’est arrivé comme ça. En effet, la couleur attire l’œil.
Quelles sont les difficultés que tu as pu rencontrer lors de la création de tes œuvres ?
Quand je peins sur les Kafaos, il n’y a pas de difficultés. Mais quand j’utilise des craies dans la rue, le temps doit être bon. C’est-à-dire, pas de pluie, ni d’eau. Une autre difficulté, c’est lorsqu’il s’agit d’une route très fréquentée. Quand des voitures passent, je dois m’arrêter.
Combien d’œuvres penses-tu avoir réalisées dans Athènes ?
Beaucoup en 6 ans. Plus de 500 à la craie. Je suis très actif. Sinon, j’ai déjà peint sur 12 Kafaos, car c’est nouveau pour moi.
As-tu déjà eu des retours de la part du public sur tes œuvres ?
La rue, c’est comme un énorme terrain de jeu et j’invite les gens à jouer avec moi. Tout le monde s’arrête, s’assoit et rentre dans le jeu ! Par exemple, une mère passe avec son enfant et elle lui apprend l’alphabet grâce aux lettres que j’écris sur le sol. C’est très sympa ! Aussi, je me rappelle d’un vieil homme de 80 ans qui m’a dit « Cette œuvre appartient à un calligraphe ! ».
Souvent, quelques policiers essayent de surveiller ce que je fais. Mais après vérification, ils comprennent que c’est quelque chose de bienveillant. D’ailleurs, l’un d’eux m’a demandé d’aller écrire un message devant la maison de sa petite amie. Et bien sûr, beaucoup de gens me demandent d’aller écrire un message pour leur bien-aimé, comme à la Saint-Valentin, ou des paroles de chanson, pour un anniversaire…
Ensuite, j’ai l’habitude de sortir dans la rue très tard le soir. C’est comme ça que j’ai rencontré certains éboueurs de la ville. L’un d’eux avait une petite amie qui faisait le même travail, mais dans un autre quartier. Alors il m’a demandé d’écrire un message à 4 heures du matin pour ses collègues. Ils étaient super surpris ! Personne ne fait de mauvaises critiques, car c’est quelque chose de sympa et de convivial.
Donc à chaque fois que tu écris quelque chose dans la rue, tu crées une nouvelle histoire ?
En fait, l’histoire se crée par elle-même. Je veux d’ailleurs prendre toutes ces histoires et les rassembler dans un livre avec des photos ! En expliquant où l’œuvre a été créée et dans quelles circonstances pour expliquer les histoires de ces personnes.
Peux-tu nous parler de tes projets ?
Récemment, j’ai créé avec Médecin sans Frontières. L’équipe grecque a décidé de faire appel à moi, car ils ont vu mon travail et ils l’ont beaucoup aimé. L’équipe voulait dire « merci » aux donateurs d’une manière mémorable. Alors, j’ai fait le tour d’Athènes pour écrire merci devant leurs domiciles. Juste en bas de chez eux pour qu’ils se réveillent et voient un merci dans la rue. J’ai écrit merci avec un 30 pour remplacer certaines lettres, car c’était la trentième année que Médecin sans frontière était en Grèce. Vous pouvez voir une vidéo réalisée par MSF :
Lequel de tes projets te rend le plus fier ?
C’est une question difficile. Mais je suis très fier de mon « Kalimera » sur la Great Walk, car ce Kalimera a vécu seulement une heure avant qu’ils ne l’effacent.
As-tu des projets à venir ?
À vrai dire, je n’ai rien en tête. Je vais juste dehors et crée ce qui me vient en tête à ce moment-là.
Un grand merci à Mitts et sa compagne Eliza pour nous avoir accueillis et nous avoir permis d’en apprendre plus sur l’art urbain à Athènes.
Échange mené, traduit et retranscrit par Oksana Monteiro Peixoto.