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Rencontre avec SONKE, un tricheur qui arpente les rues d’Athènes

Nous poursuivons cette série graffiti à Athènes avec un deuxième artiste nommé SONKE. Si vous avez l’occasion de vous balader, un jour, dans le quartier d’Exarchia, vous tomberez sûrement sur l’une de ses œuvres. Des silhouettes envoûtantes aux cheveux tourbillonnants et très intrigantes qui ne vous laisserons pas indifférents. Nous avons eu l’occasion d’échanger avec SONKE autour de son parcours et de son processus créatif. Une rencontre très enrichissante à la découverte de son univers mystérieux. 

Salut SONKE, peux-tu te présenter brièvement ? 

Je suis un tricheur ! Un paresseux professionnel et un petit fou, car je trompe les gens qui ont besoin de beauté dans leurs vies et c’est ainsi que je vis. Je fais des graffitis depuis toujours ainsi que des croquis. Je n’ai pas beaucoup de talent en peinture, mais je sais trouver les moyens de créer de belles émotions avec des images. Sinon, concernant mon pseudonyme, SONKE est tout simplement mon nom dans le monde du graffiti.

Pourrais-tu nous expliquer quelle technique tu utilises ?

J’utilise toutes les techniques pour ne pas m’ennuyer. Dans mon atelier, j’utilise des peintures acryliques et des huiles, des peintures sur bois, des aquarelles et des feuilles d’or en spray. Parfois, je crée des collages. Je fais ce qui me plaît le plus ! En fait, je n’essaie jamais de travailler, mais je profite toujours du processus de création. 

Qu’est-ce qui influence le plus tes œuvres et ta créativité ? 

J’ai beaucoup d’influences ; il est difficile de les énumérer toutes et je ne peux pas en distinguer une seule. Je peux dire qu’en bon arnaqueur, tout ce qui m’inspire, je me l’approprie. Je pense que ce que je fais est un mélange de toutes les images que j’ai vues et de tous les artistes. J’ai appris quelque chose de chacun et je continue à apprendre.

Tu peins principalement en noir et blanc, avec une petite touche de rouge, pourquoi as-tu choisi ces couleurs ? 

J’aime vraiment cette combinaison. Lorsque je l’ai découverte pour la première fois, j’ai été impressionné et j’ai cru que je pourrais réaliser tout un projet artistique avec ces couleurs dans la ville et apporter des émotions au monde. De plus, dans la rue, on n’a pas le luxe d’avoir le temps, donc le monochrome me convient. Je peux peindre partout où je trouve un peu d’espace. J’aime peindre dans la ville.

Tu peins principalement des femmes, quel message souhaites-tu véhiculer à travers tes œuvres ?

Il n’y a pas de sens profond que je souhaite transmettre derrière mes peintures. J’ai passé mon enfance en Grèce, à la frontière des Balkans et de l’Orient, et le racisme à l’égard des femmes y est très fort. De nombreuses organisations féministes ont emprunté mes dessins. J’ai aussi créé de nombreux dessins spécialement pour les personnes impliquées dans la politique.

Peux-tu nous expliquer comment tu as commencé à créer ces personnages ? Comment as-tu eu cette idée ?

Lorsque je suis venu à Paris pour la première fois, j’ai vécu à Montmartre. Dès les premiers jours, j’ai eu l’impression d’être dans un endroit très animé et j’ai pu comprendre pourquoi tant d’artistes étaient inspirés par Paris. Alors que j’étais assis sur les toits des immeubles de Montmartre et que je regardais les lumières et la ville, j’ai eu l’idée de peindre une fille avec des ballons qui volent au-dessus de ce chaos de la ville et aussi de cette beauté qu’est la vue d’en haut. J’ai donc commencé à faire mes premiers croquis de filles avec la tête inclinée, un peu seule, car j’étais seul à Paris.

À cette époque, j’étais seul sans connaître personne, car je voulais me construire une nouvelle vie. À Paris, j’ai l’impression d’avoir été libéré artistiquement. Et j’y ai découvert le romantisme et le lyrisme. J’ai donc créé quelque chose qui contient des éléments des deux cultures, l’esthétique romaine, grecque et française.

Tu es actif dans l’espace public depuis une vingtaine d’années, pourquoi as-tu choisis de peindre dans la rue ? 

Après avoir terminé l’école, j’ai commencé à peindre des images de contes de fées pour enfants et aussi pour des magazines. J’ai même travaillé dans une société de publicité. À un certain moment de ma vie, j’ai réalisé que peindre sur commande n’était qu’un travail stressant et non un travail de qualité. J’ai donc cessé de penser que je devais utiliser mon talent pour vivre. Et j’ai commencé à peindre plus librement pour le divertissement et la psychothérapie.

Comment choisis-tu la rue dans laquelle tu vas intervenir ? 

Voyons la rue comme une galerie d’art. Je recherche des endroits qui correspondent à mes images. Bien que j’aime la peinture de rue interférente, je respecte totalement l’esthétique de l’ensemble du paysage et de l’architecture et j’y adapte même ma peinture.  

J’ai réussi à trouver 11 de tes œuvres dans le quartier d’Exarchia, combien d’œuvres penses-tu avoir réalisé dans Athènes ?

Je ne sais pas comment répondre à cette question malheureusement. Exarchia est ma bulle d’oxygène à Athènes. C’est le quartier des arts, des poètes et de l’intellect. La plupart des gens sont anarchistes et gauchistes. Exarchia est un quartier autonome au centre de la ville où la police n’entre pas, il a son propre code d’éthique. J’y ai vécu les plus belles années de ma vie après l’adolescence et partout où je voyage, je reviens toujours dans ce quartier où de nombreux artistes de rue européens sont passés et ont laissé leurs graffitis. En vous promenant dans ce quartier, vous comprendrez combien c’est agréable de marcher dans des rues colorées qui expriment la liberté d’expression.

Quelles sont les difficultés que tu as pu rencontrer lors de la création de tes œuvres ?

Ce qui m’inquiète dans le fait de peindre dans la rue, c’est mon contact avec les gens. Je suis une personne très timide et c’est pourquoi je garde mon identité secrète. L’art de la rue est un art d’extraversion et de communication, c’est pourquoi je préfère peindre la nuit et non le jour. Comme vous pouvez l’imaginer, cela comporte certains risques et l’adrénaline monte.

As-tu déjà eu des problèmes avec les autorités de la ville lorsque tu exprimais ton art dans la rue ?

Oui, j’ai souvent eu des problèmes avec la police. Il est interdit de peindre librement dans les rues. J’ai été arrêté à Paris deux fois, alors j’essaie de trouver de nouvelles façons de laisser mes photos sans avoir de problèmes avec la loi. Habituellement, je colle des affiches, c’est toujours un plaisir pour moi d’intervenir librement et illégalement dans la ville.

Du coup, te sens-tu libre d’exprimer ton art comme tu le souhaites dans Athènes ? 

Non, bien sûr, je ne me sens pas libre de m’exprimer comme je le veux à Athènes, mais non plus dans le monde entier. Si je me sentais libre, j’aurais été fatigué d’avoir tant de problèmes avec la loi.

Tu as déjà peint et exposé tes œuvres à l’étranger, quelles différences as-tu pu constater entre les différentes villes ? 

Lorsque je visite une nouvelle ville, j’ignore toujours les dangers et je me laisse emporter par l’excitation. J’ai peint dans presque tous les pays européens et je peux dire que j’ai eu l’aventure la plus difficile à Berlin, qui était ma ville préférée dans le passé, mais que je ne peux plus visiter à cause d’une interdiction, car j’ai été arrêté deux fois pour avoir peint sur un mur public. À Athènes, les choses sont plus faciles, car il n’y a pas de loi spécifique sur les graffitis.


Un grand merci à SONKE pour sa gentillesse et son enthousiasme. Nous poursuivrons la découverte de l’art urbain Athénien prochainement avec l’artiste WD. Pour patienter, si vous souhaitez suivre l’actualité de SONKE rendez-vous sur sa page Instagram et sur Facebook :

Instagram : @sonke_wia

Facebook : https://fr-fr.facebook.com/sonke.gr

Échange mené en grec et en anglais puis traduit en français par Oksana Monteiro Peixoto.