Cet été, l’association Urban Art Crew a initié un ambitieux projet au cœur de Paris, le tunnel Henri IV sur les quais de la Seine, avec le soutien de la mairie de Paris. Les artistes Babs et Sarah Viault ont collaboré pour créer une fresque sur le thème de la Polynésie, qui est désormais visible par le public dans le tunnel Henri IV.
Urban Art Crew, qui promeut le street-art et le graffiti depuis près d’une décennie à Paris et en France, est active dans divers domaines, notamment l’accompagnement d’artistes, l’organisation d’événements tels que des festivals, des soirées et des expositions, ainsi que la réalisation de fresques dans l’espace public. Ce projet parisien est d’envergure, couvrant 240 mètres de long sur environ trois mètres de hauteur, soit environ 1700 mètres carrés de surface à peindre. Les deux artistes ont investi le tunnel pendant trois semaines lors d’une résidence artistique.
Il est essentiel de noter que le tunnel Henri IV était autrefois ouvert à la circulation routière pendant plus de 50 ans. En 2016, la municipalité de Paris a fermé une grande partie des voies sur berges de la ville, transformant ainsi le tunnel en un espace fréquenté par les piétons, les joggeurs, les cyclistes et les touristes désireux de profiter de la vue sur la Seine.
Ce projet s’inscrit dans le cadre du thème de Paris Plages de l’été 2023, qui a choisi la Polynésie comme thème en raison des épreuves de surf des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 qui devaient se dérouler à Tahiti. Les artistes Babs et Sarah Viault ont choisi de mettre l’accent sur l’urgence climatique, un thème actuel et significatif. Ils ont également utilisé ce thème pour évoquer les Accords de Paris sur le Climat et les défis climatiques auxquels la capitale mondiale est confrontée.
Le projet a également abordé la montée des eaux, le réchauffement des océans et la biodiversité menacée en Polynésie en raison des changements climatiques. Urban Art Crew souhaitait raconter une histoire cohérente à travers la fresque et transmettre un message qui interpellerait les passants et les inciterait à réfléchir sur les défis auxquels Paris et le monde sont confrontés.
Les artistes Babs et Sarah Viault ont travaillé de manière collaborative sur la fresque, en utilisant leurs styles artistiques distincts pour transmettre leur message. Babs est un graffeur chevronné utilisant le spray, tandis que Sarah Viault est une muraliste qui préfère utiliser des techniques à l’acrylique et au pinceau. Babs a initié son projet à l’entrée nord du tunnel, tandis que Sarah Viault a débuté le sien depuis l’entrée sud. Leur convergence au cœur du tunnel a engendré une fusion artistique captivante, mêlant le style réaliste distinctif de Sarah Viault à l’approche abstraite et singulière de Babs. Cette rencontre artistique a permis de présenter deux approches distinctes qui ont collaboré harmonieusement pour transmettre un message commun sur l’urgence climatique. Ainsi est née une fresque qui marie des perspectives artistiques variées, créée dans le but de sensibiliser le public. Pour Urban Art Crew, la narration revêt une importance cruciale dans ce tunnel. Son objectif est de transmettre un message qui soit compréhensible et qui incite les personnes qui traversent le tunnel quotidiennement à réfléchir à des questions essentielles.
Plongeons maintenant dans les différentes parties de cette fresque à quatre mains. Chacune des sections raconte une histoire unique, contribuant à un récit plus vaste au sujet de l’urgence climatique et de la préservation de la nature.
BABS
Partie 1 : Une Vision Positive de Paris dans le Futur
Commençons l’exploration du tunnel Henri IV par la première paroi de la fresque de Babs, où l’artiste dépeint sa vision optimiste de Paris dans le futur. Cette vision nous transporte vers un futur proche, peut-être dans 5, 10, ou 15 ans à venir. La scène est dominée par des symboles emblématiques de la capitale, tels que la Tour Eiffel, l’Arc de Triomphe, la pyramide du Louvre, et les toits de Paris. Ce qui frappe d’emblée, c’est la prédominance de la nature, du végétal. La Seine, symbolisée par son bleu pur, est débarrassée de toute pollution. Cette représentation nous offre une vision très positive de l’avenir de Paris, mettant en avant un environnement plus sain, plus verdoyant, avec une qualité de vie améliorée pour ses habitants.
Partie 2 : Le Métro Parisien
En progressant, le visiteur plonge dans la culture du graffiti et découvre un wagon de métro parisien flottant dans les airs. Le métro parisien est un support privilégié des graffeurs qui cherchent à partager leurs œuvres avec un large public. Cette fascination pour le métro est partagée par les graffeurs de Paris et de New York, où les premiers graffitis ont été retrouvés dans les années 80.
Partie 3 : Les Îles Suspendues
Notre voyage se poursuit au cœur de la fresque de Babs, où les îles suspendues dans l’air captivent notre regard. Ces îles symbolisent une vision poétique et presque onirique de Paris, évoquant un futur vert et autosuffisant. Elles suggèrent l’autonomie des quartiers, soulignant la réduction de leur empreinte écologique.
Partie 4 : Le Scooter Volant
En avançant dans le tunnel, nous découvrons un scooter volant, une icône de l’innovation dans la mobilité urbaine. Cette représentation pousse à réfléchir sur les moyens de transport durables et créatifs, tout en nous rappelant l’importance de relever les défis environnementaux et technologiques.
Partie 5 : Le Casque de Réalité Virtuelle
Notre progression nous conduit à un autre jalon technologique, le casque de réalité virtuelle. Babs a représenté le portrait d’un homme regardant vers un Paris futuriste, vert et positif. Ce casque représente l’intelligence artificielle et la réalité virtuelle. Il souligne une certaine idée de l’innovation technologique pour résoudre les problèmes du monde moderne.
Cette partie de la fresque de Babs invite à réfléchir sur l’impact de la technologie sur notre avenir, soulignant à la fois les opportunités et les responsabilités qui en découlent.
Partie 6 : Les Anneaux Olympiques
Nous atteignons des anneaux olympiques monumentaux en lévitation, liés directement aux Jeux Olympiques de Paris en 2024. Ces anneaux futuristes questionnent sur les défis de l’organisation d’un tel événement sans impact environnemental majeur. Ils symbolisent la célébration du sport tout en soulignant la responsabilité des organisateurs de préserver la planète à l’échelle mondiale.
Partie 7 : Le Camion Volant
Une transition nous amène vers un camion volant qui semble tout droit sorti d’un film de science-fiction, rappelant l’univers visuel du film « le 5ème Élément ». Le camion de livraison occupe une place essentielle dans la culture graffiti, à l’instar du métro. Les graffeurs y voient un support qui leur garantit une visibilité dans différents quartiers de la ville, grâce aux déplacement qu’il effectue. Les graffeurs cherchent avant tout à accroître leur visibilité, ce qui fait du camion un choix stratégique pour leurs œuvres artistiques.
Partie 8 : Wildstyle
Dans la fresque de Babs, des éléments wildstyle sont omniprésents et ajoutent une dimension abstraite à l’ensemble, montrant le désir de l’artiste de repousser les limites de l’art urbain. Il invite les spectateurs à plonger dans le monde complexe de la culture graffiti, le style wildstyle étant un mouvement caractérisé par des lettres stylisées à l’extrème, souvent illisibles pour les non-initiés.
Partie 9 : L’Arbre du Futur
Notre progression nous conduit à un moment de réflexion sur les changements climatiques, illustrés par un arbre hybride. D’un côté, l’arbre est verdoyant, exprimant une vision optimiste, tandis que de l’autre côté, il perd ses feuilles, évoquant la sécheresse, un problème majeur de notre époque.
Partie 10 : Le Poisson Mécanique
Alors que nous continuons notre exploration de la fresque de Babs, nous découvrons un poisson mécanique porteur d’un message puissant. Ce poisson remet en question la notion selon laquelle l’intelligence humaine et le progrès technologique résoudront la disparition des espèces. En créant un poisson artificiel, Babs montre que certaines choses ont perdu de leur naturel.
Partie 11 : La Décharge de la Société de Consommation
Notre voyage atteint son point culminant dans la section sombre et dérangeante de la fresque. Cette transition marque la frontière entre l’espoir et la réalité plus dure. Symboles tels que les dangers radioactifs et biologiques, les risques liés aux plantes invasives et aux pandémies évoquent les préoccupations actuelles. Le robinet goutte, illustrant la raréfaction de l’eau due à la pollution industrielle. Le pétrole semble couler dans le tunnel, symbolisant les problèmes liés à l’industrie des hydrocarbures. La décharge, pleine d’objets couramment utilisés, souligne notre mode de vie axé sur la consommation et le gaspillage. Au sommet de la décharge, un nounours en peluche, symbole de l’enfance, est placé de manière ironique, mettant en lumière nos choix de consommation impulsifs et le gaspillage croissant.
Ces dernières parties de la fresque de Babs incitent les visiteurs à réfléchir profondément sur notre rôle dans la gestion des ressources, l’impact de la technologie et de l’innovation sur notre avenir, ainsi que les conséquences de notre mode de vie consumériste. La fresque offre une expérience émotionnelle puissante allant de l’optimisme à la réalité plus sombre, rappelant les nombreux défis auxquels notre société est confrontée.
SARAH VIAULT
Partie 1 : Une Conscience Environnementale
Dès que nous entrons dans la section de Sarah Viault, nous sommes confrontés à une scène évocatrice des ravages de l’environnement, une vision puissante de la réalité de l’océan. Des coraux blanchis, un signe alarmant, s’étendent devant nos yeux. Le corail blanchi est un indicateur clair de la santé déclinante de l’écosystème sous-marin, mis en péril par l’impact des activités humaines.
Partie 2 : La Baleine à Bosse en Péril
Alors que nous avançons plus profondément dans le tunnel, une baleine à bosse majestueuse attire notre regard. Cette créature en voie d’extinction dans l’océan Pacifique est le cœur de cette section. Sa moitié squelettique et l’autre moitié intacte symbolisent sa vulnérabilité, nous rappelant l’impératif de protéger la biodiversité.
Partie 3 : La Disparition des Poissons
Sarah Viault a ensuite représenté une série de poissons, simplifiés sous la forme de symboles. Ils alertent sur la menace qui pèse sur la faune marine en raison de la montée des températures des eaux. La perte de ces poissons est inestimable et met en danger l’équilibre de l’écosystème marin en Polynésie.
Partie 4 : Les Racines Culturelles Polynésiennes
Les symboles de la culture polynésienne font leur apparition, notamment un Tiki, une divinité, et un amas de pierres évoquant un temple traditionnel. Ces éléments mettent en lumière l’importance du patrimoine culturel de la Polynésie.
Partie 5 : La Nature Résiliente
À mesure que nous progressons dans le tunnel, la fresque de Sarah Viault nous conduit vers des citronniers en croissance. L’artiste utilise ces éléments pour illustrer l’acidification des océans, mettant en lumière la menace que représente l’eau chaude pour la faune marine. Cependant, ce sombre avertissement est rapidement suivi par un tableau plus positif : la nature renaissante. Au fil de cette section, un oiseau qui recouvre ses couleurs, une tortue, des coraux et des algues reprennent vie. Sarah Viault nous rappelle ainsi la remarquable résilience de la faune et de la flore.
Partie 6 : La Vague de Teahupoo
Nous sommes ensuite transportés vers Teahupoo, la célèbre vague polynésienne qui accueillera les épreuves de surf des Jeux Olympiques de Paris 2024.
Partie 7 : La Raie Manta
À proximité de la vague de Teahupoo, une raie manta est représentée, soulignant l’importance de la faune marine en Polynésie. L’artiste illustre également une scène de pêche avec ces voiles rouges traditionnelles, démontrant le respect et l’harmonie entre l’homme et la nature dans les pratiques polynésiennes.
Partie 8 : Les îles suspendues
Au cœur de la fresque de Sarah Viault se dessine une vision énigmatique avec des « îles suspendues. » La Polynésie, avec ses 115 îles, dont 75 sont habitées, fait face à des défis environnementaux uniques. Certaines îles sont menacées par la montée des eaux, rappelant la beauté et la fragilité de cet archipel paradisiaque.
D’autre part, ces îles suspendues ont été un point de rencontre entre les deux artistes, Babs et Sarah Viault. Avant de commencer à peindre, ils ont partagé leurs esquisses et brouillons. Ils ont réalisé que tous deux travaillaient sur le même thème, démontrant que l’art transcende les frontières et les disciplines artistiques. Cette rencontre artistique souligne la puissance de la créativité pour sensibiliser le public à des questions cruciales, telles que la préservation de l’environnement.
Partie 9 : L’Orque
À mesure que nous avançons dans le tunnel, un orque majestueux semble flotter dans les nuages, évoluant dans un ciel teinté de nuances d’oranges qui créent une atmosphère chaleureuse et apaisante. Ce contraste entre la splendeur de la créature marine et la beauté du ciel orangé peut évoquer un sentiment d’émerveillement envers la nature tout en rappelant l’importance cruciale de sa préservation.
Partie 10 : La Baleine Bleue
Notre voyage à travers le tunnel se termine avec une baleine vivante et colorée, abondamment décorée de fleurs de Tiaré, symbolisant un retour à la Vie et la célébration de la biodiversité de la Polynésie.
Partie 11 : La Montagne Percée
Continuons notre voyage à travers le tunnel Henri IV pour découvrir la représentation de la Montagne Percée dans la fresque de Sarah Viault. La Montagne Percée est un lieu emblématique en Polynésie, porteur de symboles et de significations profondes. Cette montagne, caractérisée par son trou naturel, offre une image puissante et inspirante pour les habitants de la région. La particularité de la Montagne Percée réside dans le fait que le soleil peut parfois percer à travers son orifice, créant des jeux de lumière éblouissants. Cette métaphore visuelle est riche de sens, symbolisant l’espoir, la luminosité, et la persévérance à travers les moments sombres
La fresque de Sarah Viault offre un voyage émotionnel, passant de la sensibilisation aux enjeux environnementaux à la célébration de la nature et de la culture polynésienne. C’est une œuvre d’art pérenne qui invite les passants à réfléchir sur la fragilité de notre planète et à agir pour sa préservation, tout en mettant en avant l’espoir d’un avenir meilleur.
Le tunnel Henri IV, autrefois un simple passage le long de la Seine, est désormais une galerie d’art immersive grâce à la collaboration audacieuse de l’Urban Art Crew, réunissant les talents artistiques de Babs et Sarah Viault. Ensemble, ils ont transformé un lieu de passage en une fresque qui va bien au-delà de l’art visuel. Chacune des parties de cette fresque raconte une histoire, depuis l’appel à la conscience environnementale jusqu’à la célébration de la biodiversité de la Polynésie. Cette fresque est un exemple puissant de la manière dont le Street-Art peut être porte-parole d’un message vital. À mesure que les gens empruntent ce tunnel chaque jour, ils sont invités à réfléchir à notre planète fragile et à nourrir l’espoir d’un avenir meilleur. La fresque est un témoignage vivant de la créativité au service de la sensibilisation, un rappel poignant de la nécessité de protéger notre environnement au service de notre patrimoine culturel.
Un projet piloté par Urban Art Crew et soutenu par la mairie de Paris dans le cadre de Paris Plages 2023.
Par David Miège