Peux-tu nous raconter comment s’est formée la collaboration avec les Femen ?
Il s’agit d’un projet réalisé à mon initiative. En avril 2016 j’ai contacté Inna Shevchenko, militante ukrainienne à l’origine du mouvement Femen, aujourd’hui réfugiée à Paris, et Sarah Constantin, également membre active du groupe. Je les ai ensuite rencontrées pour leur présenter mon travail et leur proposer de faire quelque chose ensemble. C’était vraiment un choix personnel que d’explorer ce sujet.
Tu as bercé dans le militantisme via tes parents, est-ce que cela t’a influencé dans la création ?
Il existe pleins de facettes comme beaucoup de choses que chacun vit. Oui, j’ai baigné dans une ambiance militante avec des parents engagés mais ce sont aussi les sensibilités personnelles de chacun qui comptent. La question du féminisme est quelque chose qui m’a toujours touché et cela n’a rien à voir avec mes parents. Cette question me taraude depuis que je suis petit et j’avais envie d’échanger là-dessus. En discutant beaucoup avec mes amies et ma nana, je me suis rendu compte de ce que vivent certaines personnes. Beaucoup de choses ne sont pas normales. C’est ce qui m’a attiré.
Pourquoi avoir choisi les Femen ?
Il y a avant tout quelque chose de très graphique. Pratiquant moi-même les arts visuels, il existe ce premier lien basique. Ensuite j’ai beaucoup lu sur le sujet. Je sais d’où elles viennent et je trouve assez courageux la manière dont elles s’y prennent. Même si leurs méthodes sont critiquées, tout le monde les connait. C’est le cas de toutes les personnes à qui je me suis adressé en France. Elles ont réussi un coup d’éclat médiatique assez bluffant. Cela amène beaucoup de curiosité en termes de message, de communication, de visibilité. « Qu’est-ce que ça veut dire ? Comment 5 nanas sont connues partout sur la planète ? » Je trouve ce phénomène intriguant.
Comment ont été orchestrées tes actions ?J’avais envie de travailler à Paris. Il se trouve que les Femen ont fait beaucoup d’actions sur les places parisiennes donc ça s’y prêtait. Elles ont ceci-dit mené beaucoup plus d’actions que celles que j’ai moi représentées. La première étape a donc été de choisir les lieux et les symboles. Ce travail de recherche a été fait en amont. Je me suis beaucoup aidé de Street View pour trouver les meilleurs endroits.
En ce qui concerne l’action artistique en tant que telle, cela a été assez rapide. J’ai fait beaucoup de repérages avant pour savoir où coller de manière à ce qu’on comprenne. J’ai analysé le lieu mais aussi anticipé sur ce qu’il va rester derrière. S’agissant de grandes places parisiennes, cela allait être vite nettoyé. J’ai pensé également à la photo qui allait être prise de sorte à ce qu’elle puisse fonctionner. C’est finalement le seul élément qui reste après.
Peux-tu me parler de la technique ?
Tout a été réalisé à Marseille dans mon atelier. Ce sont des collages faits à partir de dessins réalisés à l’encre, sur un fond blanc.
Quelle est ta vision de l’art, le vois-tu comme figuratif ou serviteur d’une cause ?
Je conçois difficilement l’idée d’un art pur. L’histoire de l’art s’appelle ainsi car l’art est lié à l’histoire. C’est pareil dans mon travail. Je ne peux pas faire quelque chose qui soit détaché du monde dans lequel je vis. J’utilise le vecteur artistique pour exprimer des pensées sociales, politiques, philosophiques… Je fais les choses parce que j’ai envie de les faire. Ce n’est pas juste de l’esthétique pour de l’esthétique. J’attache beaucoup d’importance au message exprimé. C’est pour cela aussi que je fais ça dans la rue, c’est pour que ce soit vu.
En parallèle de la rue, est-ce que tu poursuis aussi un travail d’atelier ?Je commence à en faire un peu pour financer mes projets. Cela dit je ne vis pas de ça, j’ai un autre métier à côté.
As-tu des projets à venir dont tu souhaiterais nous parler ?
Je prépare actuellement des portraits. Ils ne feront pas partie d’une série comme ceux des Femen mais vivront plutôt individuellement.
J’ai pleins de noms de gens sur lesquels j’ai envie de travailler. Je lis beaucoup la presse et il y a une histoire qui m’a touché récemment. Il s’agit de deux filles qui ont fui Dubaï. Deux lesbiennes, toutes jeunes. Je vais travailler sur leur portrait. Elles ont fui puis raconté leur histoire.
Ton approche s’apparente finalement à celle d’un journaliste ?
Sur chaque projet j’ai des journalistes qui m’aident, que ce soit dans la recherche, dans l’écriture,… Je travaille aussi avec les photographes de presse. Je rentre en contact avec eux et leur demande si je peux travailler sur leur photo et m’en inspirer.
Histoire de finir sur une note ludique, et de mieux te connaître, je vais te donner 5 mots qu’il faudra associer à une image ou au symbole de ton choix. C’est parti !
Liberté : un drapeau
Art : une main
Monde : un cercle
Femmes : des yeux
Justice : un combat
Plus d’information :
Diffusé sur YouTube, un film est également disponible pour suivre les différentes étapes du projet. Il retrace les collages faits à Paris, les interview des Femen Inna Shevchenko et Sarah Constantin,… Ce documentaire a été réalisé par Elodie Sylvain et coproduit avec les réalisatrices de [P]ose ta bombe, Elodie Sylvain et Charlotte Ricco. Par ici pour tout voir : https://www.youtube.com/watch?
Liens de l’artiste :