L’artiste Shoot The Bank nous a braqué!

Nouvelle rencontre d’artiste avec Shoot The Bank aka JP Malot, entre culture urbaine et inspirations propres à sa génération (icônes de magazines, premières années de graff…) échange et analyse d’un homme en  cagoule qui a envahie peu à peu Paris.

Bonjour Shoot The Bank, pourrais-tu te présenter et définir ton style ?

Je suis parisien ayant grandi en banlieue sud de Paris et suis tombé dans le graff et tag à la fin des années 80′ et début 90′ lors de mon adolescence.

Ma culture ‘underground’ de cette époque est axée autour du mouvement rap hip hop et surtout graffiti comme beaucoup de gamins à cette période. Nos livres de chevet étaient Spray Can Art et Subway Art. Je séchais les cours pour aller peindre et voir les graffs des terrains d’Olivier De Serre, Stalingrad, Mouton Duvernet, Petite Ceinture, lignes du Rer du Nord et je graffais déjà la palissade de la galerie Agnès B lors d’exposition graff…

Mes influences étaient les CtK, Chrome Angelz, Mode2, Steph, Meo, Lokiss, Jon, Bando, Shoe et bien d’autres encore..

Shoot the bank - JP Malot

Shoot the bank – JP Malot

Mon style, en tous cas, celui que je laisse ressortir en faisant Shoot The Bank, est sans doute un clin d’œil à cette époque par son côté plus ou moins illégal, cette culture de la rue, parfois agressive, gênante, à la bombe, sale ! L’essence même du graffiti de cette période!

J’aime y faire ressentir cette culture du graff, du tag et parfois par les fonds ‘freestyle’, les couleurs, même si aujourd’hui j’utilise beaucoup le stencil et le collage chose impensable quand on faisait des tags dans le métro ou graff dans les terrains !

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Actuellement c’est mixte, je mélange beaucoup d’influences. Prises dans la mode pour certaines œuvres sur toiles, prises dans la culture urbaine, le pop art, le graffiti pure et dure et  m’inspire du climat ambiant de la société et compose parfois avec de petites provocations, détournements et souvent motivé par l’idée de simples petits jeux nocturnes…

 

D’où vient cette idée principale de braqueur ?

L’idée était d’abord le message ‘Shoot The Bank’ en pensant à un lettrage assez gras, épais, lourd, des mots agressifs et étant fan de street art anglais comme de Banksy depuis quelques années, j’ai imaginé par rapport à ce que je connaissais de lui comment il aurait peut être réalisé le visuel à partir de ces mots.

Donc un homme cagoulé avec un lance roquette semblait pour  moi logique et je cherchais un visuel fort, simple, deux couleurs (noir et blanc), à la limite de l’inquiétant, intriguant, masqué, caché, frappant et repartant…

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Quels sont les principaux supports que tu utilises ?

Je suis un grand touche à tout ! Tout m’intéresse donc je peux passer au mur, à la toile, au papier, sérigraphie, graphisme et je commence à faire de petites sculptures (la grenade), quoique j’en faisais déjà plus jeune avec les personnages de comics de V.Bodé (très populaire dans le monde du graffiti). En bref, de formation d’école technique et artistique ainsi que d’aménagement d’intérieur je n’utilise pas encore absolument tout mon potentiel mais je tente d’explorer de nouvelles choses au fur et à mesure en essayant de rester accessible pour mes fans et de garder un univers précis pour lequel déjà pas mal me connaissent !

Grenade - Shoot The Bank

Grenade – Shoot The Bank

Mais j’ai de plus en plus l’envie de faire du volume ou teinter des créations d’abstrait, ou je ne sais quoi encore. Je dois m’exprimer autrement…

‘L’accumulation,’  qui est un sujet d’école d’art, me tente toujours depuis de nombreuses années. Alors après avoir ‘chargé’ des toiles d’un tas d’éléments pour parfois faire des compositions nous dispersant sur la toile, en faire un jeux de composition, je pense de plus en plus à intégrer des éléments, objets, bois, ou autres matériaux… Je suis aussi à la recherche de nouveaux lieux afin de réaliser de nouvelles choses bien plus grandes que de simples murs peints ou collages dans les villes ou à l’étranger. Je veux prendre le temps, travailler sur des choses pour un résultat et pas forcément laisser des traces de mes passages…

 

Quelle est l’approche et la motivation principale de ces œuvres ?

Je tente de parler de cultures urbaines avant tout. A des minorités, à la masse et à des communautés précises en me servant de différents courants et types d’identifications. Lorsque je réalise une toile par exemple, je sais d’avance à qui je m’adresse et j’y colle des éléments afin qu’un certain profil de gens s’y retrouvent, ceux qui  ont ces valeurs, cultures, parcours communs et peuvent facilement s’identifier aussi ou savoir de quoi je parle et quel type de message je veux faire passer.

La statue de la liberté ‘Toyée’  par exemple, est un message clair pour les gens du graff qui savent ce que veut dire ‘toyer‘ quelqu’un ou quelque chose ! (Fait de « graffer » ou taguer par dessus un graffiti, il est synonyme d’hostilité pour le graffeur dont le graffiti a été recouvert.)

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Mais d’autres peuvent interpréter cette icône avec le mot ‘Toy’ inscrit dessus, d’une autre façon, qui dans la finalité laisserait un message quasi identique.

Il y a aussi par exemple un ‘cuir moustache’ faisant un ‘Yo !’ (terme de rappeurs) collé aussi bien dans le Marais qu’à Belleville, au plus proche de ‘petits’ graffeurs et taggeurs de la capitale ou de banlieue… Je crois que toucher les gens, les faire sourire ou les provoquer gentiment est une manière de communiquer aussi avec eux et la rue permet cela.

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Avant de faire des soirées j’imaginai déjà les affiches et les flyers, logos, concepts et même si je communiquais par le biais de presse et de radio, je faisais en sorte d’être toujours présent dans la rue. Il y a un rapport étrange, un contact direct qui me parle depuis l’époque du tag.

J’aime aussi faire des visuels dont on se souvient facilement. En détourner aussi. Jouer sur les icônes, les références des uns et des autres, etc… Aujourd’hui il faut parler vite aux gens, et s’ils doivent se poser la question, c’est idem, ils doivent se la poser rapidement donc un visuel doit parler clairement !

Détourner le fameux ‘Love’ de Robert Indiana et en faire ‘un ‘Kick’ m’amuse et parle à un profil de gens qui savent ce que veut dire ‘kicker’ !

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Car si l’expression est populaire, surtout en cage d’escaliers, tous ceux qui la connaissent n’ont pas forcément entendu parler de l’oeuvre de Robert Indiana, et ceux qui l’a connaissent ne peuvent forcément savoir ce que veut dire ‘kick’ pour toute une population ! Par contre la simple vue du visuel leur ferait penser immédiatement à l’oeuvre originelle en question, et pourrait les réunir en se posant la question ou en l’ayant compris si connaissance des deux actes. Celui de l’artiste Robert Indiana, et celui qu’est ‘Kicker’…

En créant ce visuel je tente donc de toucher ceux ayant cette culture artistique, peut être même l’amateur d’art, de pop art, peut être intello, élitiste, bourgeois, ‘supérieurs’, loin du monde de la bagarre et des expressions les plus populaires dans la vraie vie, celles des cages d’escaliers et j’en passe..  On joue à la fois sur les clichés comme on peut jouer sur leurs propres cultures. Dans un certain cas il peut y avoir deux mondes différentes, deux extrêmes, mais qu’un visuel peut faire en sorte qu’ils s’y retrouvent.

C’est pareil lorsque je fais intervenir ‘POW !’, il y a le fameux ‘POW’ de Lichtenstein qui pour d’autres est le ‘POW !’ de Joey Star, criant dans le micro…

 

Comment perçois-tu la scène street art Parisienne ?

Je n’ai pas vraiment de regard sur le street art à paris car j’en suis un peu détaché même si j’y suis un activiste. Car nous sommes loin de l’énergie que l’on trouve à Londres ou Berlin par exemple.

J’ai l’impression que le street art devient  presque trop populaire de nos jours. Mes valeurs et influences sont plus profondes que celles du street art d’aujourd’hui et avec une ambiance bien plus hard et dangereuse en mémoire.

Aujourd’hui quelqu’un qui fait un pochoir ou dessine sur un mur est street artiste. On parle même plus de son parcours, de ses messages, son investissement, ce qu’il y a derrière etc..

Avant, pour des bombes et des poscas on était capable de tout, on était drogué, on vivait graffiti, on respirait de la bombe, on crachait du sang avec de la peinture… Aujourd’hui le street artist est quelqu’un de ‘cool’ qui fait des dessins sur un mur, dans la rue, pour des tas de bonnes causes… Peu vivent vraiment avec, il y a des passionnés et des amateurs passant du bon temps dans l’ombre ou aux côtés des ‘vedettes’ du mouvement pour lesquels cela devient vraiment un sacré business. Et tant mieux, il faut des locomotives, mais connaissant les pratiques d’ailleurs et leurs business je vois un grand manque de cultures et de comparaisons à Paris. Beaucoup de galeristes, marchands, commissaires, organisateurs et curateurs d’expositions doivent bouger, sortir pour vivre le street art dans son ensemble pour mieux le comprendre, s’immerger dans les lieux, les rues et ateliers. Je crois qu’en dehors d’Artcurial il n’y pas eu encore de grosses choses ici capable de tirer le niveau vers le haut. Quand des gens me demandent des choses ‘cools’ , pas agressives, pour une vente, ou d’autres, qui en refusent pour une autre, alors qu’il y a des moments propices à présenter certains travaux, je me dis à chaque fois qu’en effet on est loin de Londres. Si les anglais dominent le marché c’est bien normal car les Français sont encore un peu ‘lents’ même s’il y a une véritable reconnaissance de cette forme d’art aujourd’hui ici. Il n’y a pas encore la culture qui devrait y avoir mais un gros manque d’initiative.

Je pense que trop font l’erreur d’appliquer des techniques de ventes et distributions à la Française. Le marché est mondial et les Anglos-saxons ont bien compris avant nous. Le street art français, celui qui se professionnalise doit pousser certaines personnes le bloquant dans le but de le maitriser pour  leur compte. Là le street art Parisien, au sens large, deviendra créatif, libre et capable de transmettre une vraie énergie. Sans doute populaire, mais de vrais talents sortiront…

Artcurial met en vente la rolls d'Eric Cantona relooké par l'artiste JonOne en faveur de l'association de l'abbé pierre

Artcurial met en vente la rolls d’Eric Cantona relooké par l’artiste JonOne en faveur de l’association de l’abbé pierre

Il manque des galeries et lieux underground comme on peut en trouver à Londres. L’énergie vient d’une mixité, des ‘modeux’, des graphistes, des ‘zicos’, des artistes, designers, architectes et surtout avec un réel goût de l’entreprise aussi afin de pouvoir être suffisamment indépendant et donc créer ! Choses que beaucoup ne supportent pas et il faut bien l’admettre faire tourner des lieux comme on en trouve là bas est assez délicat même si je pense que cela reste possible mais demande à tout revoir et ‘éduquer’ les gens autrement !

Il y a des initiatives intéressantes à  Paris mais sont elles pour le mouvement, cette forme d’art, et dans le but des artistes eux mêmes ?

Il y a beaucoup de discours de gens censés qui disent qui doit être en place ou non ! Le street art c’est la rue qui décide il ne faut pas confondre ! Il y a un marché, certes, même à Paris,  mais la rue doit rester libre, d’actes indépendants du marché, d’ailleurs les plus ‘starisés’ n’interviennent dans les rues que par copinages, autorisations, budgets importants, events spéciaux, médiatisation, bref, même s’ils sont nés dans la rue ils ne la vivent plus du tout donc il faut faire la part des choses.

Certains issus du street art, même très bons, ne devraient plus être considérés comme street artistes car ils correspondent à un courant, mais pas à un style de vie que l’on a quand on intervient dans la rue ! D’ailleurs eux mêmes n’investissent rien dans la rue s’ils n’y pas de budget ou médiatisation ! En prenant exemple ailleurs on voit à quel point l’art de la rue demande de miser sur de nouveaux artistes et pas seulement pour qu’il fournissent quelque chose de ‘vendable’ mais aussi pour qu’ils renforcent leur univers, que les amateurs, clients, collectionneurs puissent rentrer dans un univers propre à l’artiste, à cette forme d’art, en mettant de véritables espaces libres à disposition. Choses que l’on trouve uniquement que dans de grosses galeries et expositions avec des artistes maintenant quasi inabordables pour la plupart des gens…

 

As-tu des artistes avec qui tu aimerais réaliser des partenariats ?

Je n’ai pas de grandes envies particulières!  je serais sans doute honoré de participer à des projets aux côtés de certains artistes que j’adore et parfois je me dis que faire des choses seul, ou presque, renforce aussi mon indépendance ! Indépendance à laquelle je tiens. Donc je n’attends rien des autres mais je laisse toujours les rencontres, les propositions et le feeling faire tout de même, question d’ouverture aussi …

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Merci encore à Shoot The Bank pour cette interview, vous pouvez retrouver plus de créations et toute une collection directement sur le site de Shoot The Bank, et gardez les yeux ouverts les grenades ont envahies Paris

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