Jimmy C – le globe artiste

Le néologisme « globe artiste » pourrait s’appliquer à juste titre à Jimmy C. Artiste issu du milieu du graffiti des rues d’Adélaïde en Australie, il gravite autour du globe pour peindre les murs des grandes mégapoles mondiales. Il a su imposer un style unique, le pointillisme inspiré de l’art aborigène et du réalisme figuratif, dans la rue, mais également dans les galeries du monde entier. Au cœur de son oeuvre, l’humain et son environnement, ses deux sujets de prédilection, qui sont largement évoqués dans le livre consacré à son oeuvre Au Cœur de la Rue dans la collection « Opus Délits ».

Avant de devenir Jimmy C, James Cochran a commencé par inscrire son premier pseudo JAM sur les murs de sa ville natale Adélaïde, capitale de l’Australie-Méridionale, région autrefois peuplée par les aborigènes Kaurnas. JAM, en référence à son prénom James, découvre le graffiti à travers ce phénomène fraîchement débarqué des Etats-Unis. « J’avais quinze ans, lorsque j’ai commencé à apercevoir des blazes et des formes en couleur le long des voies ferrées. J’ai été attiré par le mystère, qui entourait ces graffs. Je me suis tout de suite mis à en savoir davantage, et à participer à ce mouvement. Comme l’Europe, nous avons hérité de la tradition graff de New York, par la culture Hip Hop durant les années 80. Après les différents styles se sont développés dans les différentes régions d’Australie, notamment à Sidney ou Melbourne. Melbourne était connu pour son style fort et ses lettrages novateurs. Des années plus tard, Melbourne est encore devenu le centre du mouvement australien, mais cette fois pour le Street Art.« 

Jimmy C - Tour Paris 13 // Via sneak-art.com

Jimmy C – Tour Paris 13 // Via sneak-art.com

Le mouvement graff en Australie évolue donc avec James, qui entame des études d’art à l’Université d’Australie Sud, et obtient finalement un Master en arts visuels. S’il ne lâche pas pour autant la bombe et les murs pendant ses études, il découvre un style de peinture plus classique, le réalisme figuratif et la peinture à l’huile sur toile. Peu après, il partage son maniement des bombes lors d’ateliers d’initiation au graffiti en milieu urbain et aborigène, qui lui permettent notamment de découvrir l’art aborigène, plus exactement la peinture avec des points ou « dot painting ».  » J’ai eu l’occasion de collaborer avec des artistes aborigènes. Pendant un atelier, un artiste m’a demandé s’il pouvait peindre avec la technique traditionnelle du dot painting avec une bombe sur un mur. Après quelques ateliers, on a réalisé un mur ensemble à la bombe. Lui avec son style traditionnel, moi avec le réalisme. C’était le déclic pour faire mes propres essais avec des points, que j’ai peu après incorporé à mon travail.« 

Jimmy C- Camden, London 2013

Jimmy C- Camden, London 2013

Par la suite, Jimmy C développe cette technique en se rapprochant de plus en plus de la peinture occidentale des impressionnistes, comme Renoir, Degas ou Cézanne. »J’ai plus d’admiration pour les artistes du XVIIème comme Carravage ou Velasquez. J’ai vu une exposition en 2004 intitulée Aerosol Pointillism avec des portraits et des paysages urbains peints avec la pointe de la bombe. J’avais besoin de pousser la technique plus loin. J’ai donc commencé à faire des essais avec des gouttes et des coulures. J’ai ensuite senti que j’étais tombé sur quelque chose de plus aligné avec sa propre expression et ma personnalité. Je l’ai appelé « the drip paintings » (peintures de la goutte). Je continue de l’utiliser, car j’aime ce que les couches de couleurs peuvent donner en terme de profondeur. Ensuite j’ai commencé à agrandir les pointes vers les cercles et les sphères. Aujourd’hui, les possibilités apparaissent sans fin.« 

C’est en s’apercevant de l’évolution du Street Art à Londres, qu’il reprend contact avec la rue. Il dépose successivement ses bagages à Londres, Paris ou New York, en prenant toujours en considération l’environnement qu’il l’entoure. »Il faut expérimenter un quartier avant de peindre un mur. Je peins en fonction du contexte du quartier, et des gens qui y habitent. Je prends en compte également la position et les dimensions du mur. Tu ne peux pas arriver dans une nouvelle ville avec un dessin prévu. Il est souvent nécessaire de réfléchir et de s’adapter aux environs.« 

Jimmy C - Syndey

Jimmy C – Syndey / Via @FatCap

Jimmy C puise aussi son inspiration dans l’être humain et sa faculté à trouver une signification dans son existence par rapport à son espace urbain. On retrouve dans la plupart de ses œuvres une dimension sociale forte, notamment à travers ses portraits de sans-abris ou ses représentations des émeutes de Londres en 2011, ville où il réside dorénavant. « La dimension sociale dans mes œuvres a commencé avec mes portraits des sans-abris, où je voulais montrer la résilience de l’esprit humain. Mon point de vue est que nous sommes tous responsables de la condition de la planète. Je commence à me poser la question sur la fonction de l’art, et surtout ceux qui peignent dans la rue. C’est avant tout un acte de rébellion, presque un commentaire social, le fait même de peindre dans la rue. Mais maintenant le Street Art commence à devenir mainstream. Ce n’est pas suffisant de peindre dans la rue pour changer le monde. J’accepte ceux qui veulent peindre simplement dans la rue pour ajouter de la couleur au monde. Je vois ce geste comme un acte positif, qui appartient à mon rôle d’artiste. Pour aller plus loin dans ma démarche sociale, je commence à produire et vendre des œuvres, dont les bénéfices vont à des œuvres de charité. Ainsi je contribue directement au changement social avec mon art. C’est un geste simple et individuel, mais j’espère inspirer d’autres artistes à être plus conscient de leur rôle et leur potentiel à changer positivement le monde.« 

Comme Christian Guémy, que Jimmy C définit comme « un ami et un artiste, qui travaille sur le sujet humain en montrant sa dignité et son humanité« , auteur de la préface du livre « Au Coeur de la Rue » consacré à son oeuvre, il peint en privilégiant l’émotion. Il n’est donc pas étonnant que ce cœur palpitant de pointillés colorés soit un des thèmes préférés de son « Street (He)art« .

Article proposé par Rémi Chervier 

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