Pour la première fois depuis 60 ans, l’hôpital situé sur Ellis Island, près de la mythique Statue de la Liberté, ouvre ses portes au public. Entre 1902 et 1954, l’île était la dernière étape pour les migrants arrivés principalement d’Europe, avant leur entrée sur le nouveau continent. Mais si pour certains elle symbolisait l’espoir d’une vie meilleure, elle fut aussi le lieu de désespoir pour des milliers d’entre eux qui voyaient leur rêve s’arrêter sur cette île.
Abandonné depuis les années 50, l’hôpital, où les migrants étaient soignés, a vu passer plus de 1.2 millions de personnes. L’artiste français JR y a créé une installation dans laquelle il raconte, sous la forme de collages géants, la mémoire de ces millions de migrants qui ont dessiné l’identité américaine moderne.
JR, qui a récemment recouvert le Panthéon de portraits en noir et blanc, reprend son projet en cours « Unframed », dans ce nouveau lieu chargé en émotions. L’artiste a passé plusieurs mois à fouiller dans les archives photographiques d’Ellis Island à la recherche de mémoires perdues. Il y a trouvé toutes sortes de visages oubliés : ceux de patients, d’enfants mais aussi des docteurs et des infirmières du centre.
Les 24 photos sélectionnées ont chacune été agrandies, puis imprimées et collées grandeur nature sur les surfaces accidentées de l’édifice ; vitres cassées, murs décrépis, mobiliers abandonnés ont tous servi de supports d’exposition. Cette installation in situ offre donc une vision « hors cadre » de ces archives, puisque l’idée est d’évoquer » un sentiment de temps et de lieu et de redonner contexte aux vies humaines qui sont passées par l’île « , comme l’explique JR au New York Times.
En parcourant les salles, JR souhaite nous emmener dans un voyage à travers le temps en vue de ressusciter le souvenir visuel du passage de ces hommes et de ces femmes. Dans le souci de respecter l’architecture, l’artiste s’est effacé pour » laisser les murs décider quelle photo devrait y apparaître et confiait être passé d’une pièce à l’autre et sentir à chaque fois une énergie différente « . Pour anecdote, après plusieurs essais pour trouver l’image idéale, JR laissa finalement la morgue intouchée.
» Avant mon premier collage, j’étais vraiment nerveux à l’idée que ces âmes pourraient rencontrer leur propre image. » JR ne croit pourtant pas aux fantômes mais il a su redonné tout son sens à ce lieu de passage, dont les murs resteront hantés par ces apparitions jusqu’à leur effacement naturel.
L’exposition a ouvert le 1er octobre 2014 et est, pour l’instant, accessible à des groupes de 10 personnes. Elle fait partie d’un projet de conservation « Save Ellis Island ».
Article proposé par Laëtitia Aubin