Voyage au coeur de l’univers mythologique de Delphine Delas

Mieux que des mots, Delphine Delas, artiste d’origine bordelaise exprime sa pensée et sa passion pour le voyage à travers son art.

Graffitis, illustrations, mappings, sont autant de pratiques qui permettent à cette âme d’artiste de partager son univers mythologique, onirique qui lui va si bien.

Rencontre avec cette artiste voyageuse qui a accepté avec plaisir de nous en dire plus sur ses personnages empruntés au fantastique.

Quel a été ton parcours artistique ? Comment en es-tu venue à produire dans la rue ?

Premièrement, j’ai fait des études d’Histoire de l’art ; tout s’explique à partir de ça parce que tout ce que je fais aujourd’hui a un lien avec cette formation. Par exemple, avant, je pouvais très bien faire des murs pour faire des murs, mais maintenant je suis plus dans une démarche de « projet », qui me fait réfléchir sur le contexte. J’adore Ernerst Pignon Ernest et je suis revenue à des artistes comme lui parce que pour moi, c’est important qu’il y ait une réflexion autour du contexte, de la lumière, des couleurs, des rues, du lieu tout simplement. Et ne pas intervenir dans un endroit pour le simple plaisir égocentrique de poser sa marque.

Je pense qu’avant cette formation en Histoire de l’art, tout ça, c’était un peu schizophrénique ; j’avais mon travail artistique d’un côté et l’Histoire de l’art de l’autre. C’était vraiment complètement différent et à un moment donné, ça s’est rejoint.

Par la suite, je suis partie à Barcelone, où j’ai rencontré pas mal d’artistes, comme Miss Van ; à cette époque-là, ça se passait encore beaucoup dans la rue du coup c’est vraiment à partir de là que j’ai commencé à m’y mettre, il y a à peu près 10 ans.

Tu es donc une grande passionnée, mais aussi une grande voyageuse… Peux-tu nous raconter un peu ton univers ?

C’est marrant parce que d’un côté j’ai fait le Louvre, qui est une formation très classique, où tu ingurgites énormément de choses, c’est très encyclopédique, et d’un autre côté il y avait mon art, qui était complètement libre, très autodidacte où je partais dans un imaginaire, qui était justement un lâcher-prise total. Et, comme j’apprenais toutes ces périodes en Histoire de l’art, je pense qu’à un moment donné, tout ça s’est auto-nourri ; j’ai commencé à créer beaucoup de personnages que je tirais de civilisations anciennes, parce que je suis passionnée par tout ce qui est mythologie etc.

Tout est parti de là, et, moi qui suis très attirée par le fictif, je pense que je retrouve dans le voyage cette part d’irréel, de changement d’univers… Je suis toujours dans cette quête d’un au-delà. Où se place la réalité, les choses irréelles ? Mon univers tourne toujours un peu autour de ça…

Comment se déroule ton processus créatif ?

Mon travail de dessin, c’est vraiment un travail de trait, de ligne, très simple et très minimaliste.

Et, petit à petit, en travaillant, je suis passée à cette idée du monochrome, et d’un trait blanc par-dessus. Je trouvais que ça ressortait beaucoup, du coup j’en fais pas mal depuis maintenant 2-3 ans. C’est même devenu comme une espèce de marque.

En allant en Inde j’en ai fait beaucoup et j’ai adoré faire ça. En plus, ça me correspond bien ; il y a un côté très méditerranéen, et comme j’ai vécu à Barcelone…

Tu fais de tes illustrations, des graffitis, quoi d’autres encore ?

Ça fait 2-3 ans que je m’éclate à faire des mappings. Je trouve ça génial.

Le dernier mapping que j’ai fait ( avec nicolas louvancourt) c’était sur les silos de Bacalan de Bordeaux. Les tours font 35 mètres de hauteur et, moi qui ai le vertige, je me suis dit que j’allais pas pouvoir gérer… C’est marrant, parce que d’un côté tu te dis que t’aimerais bien faire un truc à cet endroit-là mais en même temps tu te dis non je ne vais pas pouvoir.

Du coup je me suis demandé comment je pourrais le faire, et c’est là que j’ai eu l’idée du mapping.

Sinon, j’ai des idées de bandes dessinées aussi. J’aime bien Rouge justement pour ça ; parce que je pense qu’elle a cette vision aussi, cet éventail assez large qui te permet de faire plein des travaux différents et de toujours être dans une dynamique créative.

En août 2016, tu as réalisé un hommage à Marguerite Duras dans  le quartier de Belcier. D’où est venue cette idée ?

À cette période-là je m’étais remis à lire/regarder le travail de Pignon Ernest, et il disait qu’il passait beaucoup de temps à se promener dans les rues, à observer la lumière avant d’aller coller. Et je m’étais interrogé sur ça, sur le fait que dans le street art, il y a cette rapidité d’action, dû au fait que c’est souvent illégal et sur le fait de me donner le temps de réfléchir sur le lieu où j’allais intervenir. Parfois ça peut être très intuitif, et des fois ça peut être une coïncidence ; c’était le cas pour l’hommage à Marguerite Duras. Ma mère habite à Belcier, et j’ai vu des noms de rues indochinoises, et à l’époque, je lisais pas mal Duras, donc je me suis dit, pourquoi ne pas faire quelque chose ici, par rapport à Duras. Et ça c’est fait comme ça…

Je suis vraiment très heureuse de ce projet car je pense que ça a été un vrai virage dans ma démarche : mon but n’est pas d’intervenir pour intervenir.

Cette même année, tu as fais le M.U.R de Bordeaux. Trouves-tu que la perception du public vis-à-vis du street art a changé ? 

Je pense que ça va de pair avec le changement d’urbanisation de Bordeaux, parce que le street art à Bordeaux, comme ailleurs, a toujours existé ; il y a toujours eu une scène. À mon avis, ce qui a changé c’est que c’est devenu plus visible au regard de tous. Aujourd’hui, il y a des lieux sympas qui ont été crée comme Darwin, du coup il y a des artistes qui ont pu se regrouper, peindre ensemble… Aussi, on peut aller plus facilement de l’autre côté de la rive, avant c’était plus compliqué.

Bordeaux est une ville de plus en plus attractive, avec de plus en plus de monde, et toutes ces initiatives, comme le M.U.R de Bordeaux aussi, font que le street art est devenu plus visible.

Crédit photo : © Pôle Magnetic, © Marlène Labardin

Quelle est ta vision du street art ?

Ma vision du street art est multiple. Je pense qu’actuellement ce qui est intéressant dans le street art c’est que c’est un des rares mouvements, qui existe quand même depuis les années 70, qui ne cesse de s’inventer, de se réinventer niveau technique. Je te parlais de mapping tout à l’heure, ça participe aussi à l’éphémère, à l’art urbain. Il n’y a pas que la peinture ; il y a Invader qui fait des mosaïques, JR et ses grandes photos, il y a aussi des collages, des pochoirs… C’est dingue en fait, et c’est ce que j’aime.

J’ai l’impression que c’est sans fin, parce qu’au moment où tu vas te dire que t’as fait le tour, t’as un artiste qui arrive, qui fait un truc hallucinant avec une technique nouvelle. Et même au niveau de la peinture, ça ne cesse de se réinventer.

Je pense aussi que c’est pour ça qu’il y a cet engouement pour ce mouvement-là.

Encore aujourd’hui, le street art est souvent associé à la figure masculine. À ce titre, comment as-tu réussi à te faire ta place ?

Oui il y a moins de filles, ça c’est un fait. Mais je pense que c’est parce qu’il y a une partie physique qui peut être contraignante ; t’es dans la rue, tu dois monter sur des échafaudages…

Mais moi personnellement je n’ai jamais eu de problèmes, j’ai même été soutenu par des garçons de street art qui m’ont encouragé à continuer ce que je faisais.

En Inde par contre, il y a eu beaucoup de filles qui sont venues me voir et qui voulaient apprendre des techniques pour faire du street art. Là-bas ça existe, mais très peu et ceux sont majoritairement des garçons Et ces filles-là étaient hypers intéressées, j’ai trouvé ça génial. Là tu te dis qu’il y a vraiment quelque chose de féministe qui se passe.

Quels sont tes projets à venir ? Aura-t-on l’occasion de te voir à Bordeaux prochainement ?

Pour l’instant tous mes projets sont à l’étranger. J’ai des projets en Afrique, je retourne en Inde en Février, à Pondichéry où je vais aller faire quelques murs.

À Bordeaux je suis en train de voir pour faire d’autres mappings, d’autres collages.

Retrouvez l’univers de Delphine Delas sur les réseaux sociaux et sur son site internet.

Facebook : Delphine Delas

Instagram : @delphinedelas

Site internet : https://www.delphine-delas.com/

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