Critique littéraire : « Street Art » de Simon Armstrong

Une nouvelle approche des fondamentaux du street art qui se veut engageante, illustrée, conçue et écrite de manière experte.

Simon Armstrong n’est pas à sa réflexion première et connaît son sujet puisqu’il a déjà édité, acquis, vendu et collectionné un nombre infini de livres sur l’histoire du graffiti et du street art. Spécialisé dans ce domaine, il a suivi l’évolution du street art comme libraire et acheteur pour le Tate et Design Museum de Londres. Dans Street Art, il nous livre un essai fouillé sur l’art urbain comme étant  « l’expression d’un désir humain » relevant « d’une sous-culture artistique, riche et tenace, qui apostrophe en fait tout un chacun ».  

Un panorama historique qui traduit un phénomène culturel planétaire

L’auteur débute par l’inventaire historique du mouvement en remontant aux figures et symboles des grottes de Lascaux à ceux du graffiti, à travers ses évolutions, ses injustices et ses coups d’éclats. Illustré par de superbes photos qui égrènent les grands noms de l’art urbain mondial, Simon Armstrong passe ainsi en revue les tenants clés du genre, thèmes et concepts qui dominent au sein de cette culture. Il a également la bonne idée d’étayer son propos à travers huit entrées où il mêle forces et antagonismes du street art. Par exemple, le simple graffiti qualifié de « vandalisme » pour les uns, peut être aussi une expression digne de figurer dans les musées pour les autres, d’où son ambivalence.

On retrouve également des artistes « contributeurs accros » qui œuvrent coûte que coûte pour s’exposer dans les rues malgré les risques (autorités, dangerosité des lieux…).  On a apprécié la série d’interventions et leurs photographies de MOBST illustrant les relations entre certains graffeurs et ceux qui cherchent à les effacer. Ainsi, on revit, depuis le cœur du foyer, le formidable embrassement d’un art supposé interdit pour « faire entendre une revendication, prouver qu’on existe en tant qu’auteur, créer, forger, archiver, styliser… ».

Un tournant institutionnel qui s’accompagne d’une volonté de théoriser

« Le graffiti est pour l’essentiel un mouvement anti-art qui transforme le vandalisme en courant artistique ».

Street Art retrace l’épopée de  cet art comme instrument de contestation dans un contexte où la  production réservée à l’origine à l’espace urbain a envahi celui des galeries, faisant émerger une véritable cote pour certains artistes. En explorant ses fondements et son influence durable, Simon Armstrong réussit à théoriser avec profondeur le monde du street art dans son ensemble pour mieux en révéler les subtilités.

On ressent l’inquiétude de Simon Armstrong quand il interroge sur les relations complexes de cette pratique face aux lois, au marché de l’art et à la gentrification à mesure qu’elle évolue et qu’elle adopte de nouveaux matériaux, styles et techniques.  Il n’en dévoile pas moins un sujet sociologique des plus contemporains : comment cet acte qualifié d’illégal peut-il s’ériger en art et être l’expression d’une culture ? On saura, au fil des pages, que le street art se trouve à un tournant entre l’illégalité et l’imaginaire collectif, entre le contestataire et le produit dérivé dont les œuvres prouvent l’immense diversité du street art.

Un guide fondamental du Street Art

Simon Armstrong décrit le street art comme un phénomène culturel planétaire. Il se veut « guide de base », instructif et coloré pour le plaisir du lecteur. Ses références demeurent  accessibles à un large public, appuyées d’un glossaire et d’une bibliographie offrant les éléments pour ceux qui souhaitent poursuivre l’étude ou le divertissement. L’analyse est d’une parfaite limpidité pour débuter ou découvrir le genre. En effet, il offre une lecture aisée, passionnante et précise de ce mouvement artistique. Un livre qui deviendra sûrement une référence.

Publié dans la collection « l’Art en poche » des éditions Flammarion, Street Art se lit et se relit à l’infini, et tout ça à prix d’ami (12€) !

A propos de l’auteur :

Simon Armstrong est un auteur, artiste, agent, éditeur et acheteur de livres pour Tate Modern, Tate Britain et Tate Liverpool. Il a travaillé comme DJ, promoteur de club, libraire, gérant de librairie et responsable de la vente au détail au Design Museum de Londres. Il est également l’auteur de Cool Art et Cool Architecture.

Référence : Simon Armstrong, Street Art. Flammarion. Publié le 11 septembre 2019, 179 p. 12€.

Crédits image : compte twitter @SimonTheBookman