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VAO & friends, l’exposition : à la croisée du graffiti et de l’abstrait – Épisode 4

Rencontre avec Tanc et Bibi, entre spontanéité et artisanat

Après avoir retracé l’histoire du crew VAO et ses différentes appellations avec L’Atlas, découvert la définition de l’acronyme VAO de Namasté, nous sommes partis à la rencontre d’Aleteïa et Zoo. Pour ce quatrième épisode, partons discuter Tanc et Bibi.

Tanc, le travailleur instantané

Crédits photo Jane ©

Salut Tanc ! Explique-nous ce tableau.

C’est une œuvre où la technique me guide. Je peins des papiers en faisant pleuvoir de l’encre, à l’aide de grandes bombes. Une fois que j’ai sorti une forme de paterne, je colle ces papiers sur la toile de lin. Et je déchire ensuite cette toile.

C’est dans la déchirure que je soustrais ou que j’ajoute. La pratique me permet de comprendre ce que je fais.

Crédits photo Jane ©

« Par ces procédés, je deviens également le spectateur de ma toile. »

Il y a un côté assez transe. Je me lâche pour découvrir un nouveau produit et comprendre ensuite ce que je fais.

Comment est-ce que tu es arrivé à la création d’une œuvre complétement spontanée ?

Je trouve que refaire en grand un croquis d’une idée, c’est ennuyeux et rébarbatif. Alors qu’avoir des gestes que je ne contrôle pas tout à fait, peut m’émerveiller, d’une autre manière.

Le travail instantané me pousse dans un surmoi qui est encore mieux qu’une vision que j’aurai pu avoir sans lui.

Dans ton atelier, on trouve beaucoup d’œuvres différentes de celles-ci. Des travaux dans l’accumulation de lettres, qui peuvent faire penser à de l’écriture automatique. Pourquoi ce process-là ?

Quand j’étais au collège, je dupais mes professeurs en faisant semblant d’écrire et cela a donné de très belles pages d’écriture abstraites. Longtemps après, lorsque j’ai vu des toiles de Futura 2000 dans lesquelles il faisait des sortes d’annotations (un peu de cette forme-là), je me suis dit que ça serait très intéressant de travailler l’accumulation de lettrage.

J’ai commencé à prendre des formats qui reprenaient des pages et petit à petit, c’est aussi devenu un de mes styles.

Un travail également spontané ?

Tout à fait. Lorsque je travaille de cette manière-là, je suis en transe. Je travaille très vite, je pense à des choses et ma main en écrit d’autre, plutôt abstraite. À la fin, je découvre l’œuvre et elles sont vues et lues de la même manière par quiconque.

Cette technique te permet de créer un langage universel ?

Oui. En tant que spectateur, nous allons tous essayer de déchiffrer ces lettres.

« À ce moment-là, nous sommes tous semblables dans l’acte de déchiffrer. »

Bibi, l’artiste artisan

Crédits photo Jane ©

Hello Bibi ! Peux-tu nous expliquer cette œuvre ?

C’est un motif de cubes, une paterne très ancienne a trois faces que j’affectionne particulièrement. Le matériau est du zinc recouvert d’une fine couche de phosphate de zinc. Cette technique me permet d’avoir des teintes différentes qui vont donner cette impression de volume.

Le zinc est ma matière préférée et j’aime beaucoup la travailler. Là, c’est du zinc neuf. Normalement, j’utilise beaucoup de vieux zinc, récupérés sur les toits.

Crédits photo Jane ©

Ce sont des matériaux très patinés qui laissent apparaître plusieurs couleurs comme le gris, le blanc ou le bleu. Ça donne un effet unique car patiné par le temps.

On peut prendre une toile, appliquer de la matière mais ce n’est pas possible de reproduire artificiellement cette patine et j’adore travailler avec cette technique ! 

« Ce que le temps met 50 ans à faire, est impossible à reproduire par la technique ».

Tu as fait les compagnons du devoir, les techniques apprises font aussi partie de ton métier ?

Oui. Lorsque je suis arrivé dans le métier, j’ai découvert le zinc, le plomb, l’ardoise. Ça m’a intrigué et je me suis dit que je pouvais faire plein de choses avec ces matières.

En dehors de mon métier, je fais beaucoup de tags. Mais je ne fais pas de fresques et les couleurs ce n’est pas mon truc.

Dans mon atelier, je ne travaille pas le tag. Parfois, j’utilise cette technique et la peinture pour enrichir mes matériaux et développer ce que m’inspire la rue.

« Les matières sont mon savoir-faire. Je les travaille et les détourne, pour en faire une chose plus libre »

En ce sens, tu croises ton savoir-faire avec ta pratique du tag ?

Voilà, c’est ça !

Crédits photo Jane ©

Est-ce que l’utilisation de ces matériaux est aussi un moyen de révéler l’artiste comme un artisan ?

Oui. L’artisanat est un ensemble de techniques, transmises par des années de recherches et d’expériences. L’artiste peut ensuite détourner ces techniques, pour en faire autre chose, de plus personnel.

Selon moi, le pont entre l’artiste et l’artisan est vraiment petit. J’ai toujours eu l’impression de me situer des deux côtés, l’art et l’artisanat, entre l’essentiel et le superflu.

Parfois sur les chantiers, nous sommes amenés à faire des choses très précises, répondant à un besoin spécifique.

« Je pense que c’est une forme d’art de créer pour s’adapter à ce que l’on a besoin de faire. »

Par exemple, sur les toits, pour étancher, nous avons besoin de faire preuve d’ingéniosité. Cela ne fait pas forcement appel à des règles que l’on nous a apprises. Dans ces cas de figures, nous devons improviser. C’est une part d’imagination artistique.

Quand tu tagues, tu travailles la lettre. Là, nous sommes devant deux tableaux complétement différents puisque ces œuvres tendent vers l’abstraction. Pour toi, quelle est la différence entre ces deux techniques ?

Je tague dans la rue. C’est une technique instinctive. Rapide et ponctuelle. Dans mon atelier, si j’utilise la technique du tag c’est ensuite pour la déstructurer. Ce sont donc deux choses différentes et le tag n’est pas l’élément principal de mes créations.

Est-ce que tu as un souvenir avec VAO qui t’a particulièrement marqué ?

SEEN avait un studio à Paris. Je lui ai proposé de faire des cadres en zinc. L’association de la matière avec ses toiles fonctionnait à merveille et nous avons continué à travailler ensemble. Lorsqu’il est reparti aux États-Unis, Yaz a récupéré son atelier. À cette période-là nous nous sommes tous rencontrés et nous avons beaucoup échangé !

Aujourd’hui quels sont tes projets ?

J’aimerais faire plus de sculpture. Le toit, je commence à en avoir bien fait le tour ! Je continuerais toujours à monter dessus mais j’aimerais davantage développer mon travail d’atelier.


Après L’Atlas, Namasté, Aleteïa, Zoo, Tanc et Bibi, nous conclurons avec un cinquième article de cette série VAO. Nous irons échanger avec YGREK et Renzo autour de leur œuvre et de leur technique.