VAO & friends, l’exposition : à la croisée du graffiti et de l’abstrait – Épisode 1

Rencontre avec L’Atlas : quand les lettres deviennent formes

Lors du vernissage de lexposition « Visions Abstraites & Optiques (VAO) » à la galerie Ground Effect le 8 octobre dernier, nous sommes partis à la rencontre de quelques artistes. Ce premier épisode donne la parole à Jules, alias, L’Atlas, qui nous présente le crew VAO.

Salut Jules, présentes nous VAO. Au départ, quelle était l’initiative ?

À la base, c’est un groupe de tagueurs parisiens, créé en 1995. À l’époque c’était avec des potes, qui ne font pas partis du graffiti, ni de la peinture.

Petit à petit le crew a grandi. En 2002, j’ai rencontré Tanc, Sunset, Yaz et pleins d’autres gens qui venaient du milieu du graffiti et qui avaient déjà l’idée de faire une œuvre picturale, au-delà du graffiti.

La première signification de l’acronyme était Vandalisme Artistique Organisé. Nous avions l’envie de faire changer le regard sur ce que l’on appelait les vandales.

Nous faisons partis de la seconde génération et il fallait que nous apportions quelque chose de nouveau. C’était aussi une manière de changer le regard et la vision des gens sur le graffiti.

Petit à petit, nous nous sommes tous retrouvés autour de ce truc de l’abstraction et de l’optique. Loin de la figuration et du post Pop Art.

Comme on peut le voir dans cette expo, il n’y a pas une seule pièce figurative. Aujourd’hui sur le marché du street art, lorsque l’on ouvre un catalogue, il doit y avoir 90 % d’œuvres qui sont figuratives. Cette expo est une manière de montrer tout un mouvement de gens qui travaillent dans la lignée de l’abstraction, de la géométrie et de l’art optique.

Vous étiez combien au début ?

Au début, on était une dizaine. Aujourd’hui, on est une cinquantaine avec une œuvre plastique. Il y a aussi une cinquantaine de gens qui font que du tag.

Vous étiez et êtes dans quelle ville ?

À ses prémisses, VAO, était qu’à Paris. Aujourd’hui, certains proviennent de Toulouse, Athènes, Bruxelles, Londres. C’est un réseau underground européen.

Pour cette expo, j’ai fait rentrer encore une vingtaine d’artistes que je connaissais, ou non, mais dont l’œuvre pouvait venir discuter avec les nôtres.

Qu’est-ce qu’a signifié le passage de l’acronyme Vandalisme Artistique Organisé – à Visions Artistiques & Oniriques jusqu’à l’acronyme actuel (Vision Abstraite et Optiques) ? Pourquoi ces changements ?

Chaque personne qui entre dans VAO, doit trouver une signification à l’acronyme. Il y a donc autant de significations à l’acronyme qu’il y a de personnes dans le groupe. C’est large.

Le point de départ c’est l’idée que nous sommes tous des vandales à l’origine. Jusqu’à arriver à des œuvres plastiques. Comme n’importe quel artiste de l’histoire de l’art. C’était une volonté de faire changer le regard des gens sur le street art vs le graffiti, en disant que nous sommes aussi des peintres, des sculpteurs ou encore des photographes.

Finalement, les changements d’acronymes marquent aussi les changements au sein du crew ?

Oui ! Avec l’idée de changer cette vision restreinte de l’Histoire de l’art qui souhaite absolument placer l’artiste dans un mouvement. Les historiens de l’art ont besoin de ça pour se repérer dans le temps.

Du côté des artistes, ces barrières psychologiques et historiques n’existent pas.  Il s’agit juste d’être transpercé par des choses et les retranscrirent. Le changement d’acronyme est aussi une manière de parler de ça.  

Pourquoi cette obsession pour la lettre ?

« Un amour pour la calligraphie et le graffiti. »

Quand on y pense, la lettre est la première forme d’abstraction dans l’histoire de l’humanité. Dans cette continuité, il s’agit de rendre abstraite la lettre elle-même. C’est-à-dire de casser sa visibilité, la déconstruire, la crypter jusqu’à son illisibilité. Par ce procédé, on rentre l’histoire de la lettre dans celle de l’histoire de l’art.

Aujourd’hui, l’histoire de l’écriture est étudiée en archéologie, mais pas en histoire de l’art. C’est aussi un moyen d’interroger les frontières entre ces deux disciplines et de se demander si elles existent réellement. Archéologie et histoire de l’art sont finalement des pulsions humaines visant à comprendre le monde et à la retranscrire.

Comment est-ce que tu positionnerais VAO dans le mouvement graffiti ?

Lorsque l’on a commencé en 1991, c’était déjà la newschool. On a commencé « tard », par rapport à des gens comme JonOne ou Psyckoze. On devait donc forcément innover, car leur graffiti était déjà tellement bien fait.

Nous avons fait nos armes dans le graffiti et nous partagions cet amour d’un trait pur et crée avec pleins de techniques différentes comme la disqueuse, la fatcap…

Nous avons conservé les outils du graffiti mais l’idée était d’aller discuter avec des mouvements plus anciens.

Un peu comme le réalisme l’avait expliqué. Chaque époque à des outils différents, crées par l’époque. Ces outils viennent changer l’histoire de l’art par l’approche technique. On est donc partis là-dessus !

Qu’est-ce que t’as permis la création de VAO ? Personnellement ou techniquement.

« VAO, c’est surtout des rencontres humaines. »

VAO n’est pas qu’un concept artistique mais c’est des rencontres et des amitiés. La relation entre deux artistes, va amener à chacun, une autre vision de la pratique : celle de l’autre.

Quand on regarde dans l’histoire de l’art, chaque grand mouvement part d’une histoire entre potes.

Une rencontre, c’est des discussions intellectuelles et plastiques, s’articulant autour de l’abstraction, la géométrie, l’art optique, l’art minimal ou l’abstraction géométrique.

Il n’y a pas que le graffiti qui nous a influencé, c’est ça qui serait réducteur mais c’est plutôt tous ces mouvements qui nous ont influencé.

Des fois le processus plastique n’est pas exprimable et c’est pour ça que c’est toujours bien d’en parler.

VAO, c’est donc des rencontres qui vont ont tous fait évoluer ?

C’est ça. Par exemple, ce soir c’est un événement qui est bénéfique à chacun de nous. Nous prenons dans la gueule les œuvres des autres. Nous nous essayons à l’œuvre à quatre mains. On se confronte et ça nous permet de pousser les limites de chacun. 

Tu as dit que la lettre est elle-même abstraite. Est-ce que d’une certaine manière vous essayez de rapprocher l’histoire de l’art abstrait et celle du graffiti writting ? L’objectif est de créer un pont entre ces deux mouvements artistiques ?

« La lettre est la première abstraction de l’histoire de l’art. »

Oui. Pour moi, il a une relation directe entre la lettre et l’abstraction et c’est pour ça que je travaille qu’autour de ça. C’est une manière aussi de le dire.

En ce sens, certains styles du writting, comme par exemple le wildstyle, sont une forme abstraite du lettrage ?

C’est ça. L’abstraction de la lettre, c’est son illisibilité Beaucoup d’entre nous utilisent un nom ou un mot et travail ces lettres de manière infinie. C’est un jeu avec la lettre, car on sait que les gens vont la lire.

Le principe d’avoir une ligne, permet une grande liberté par rapport à la création de la lettre. Il n’y a donc plus de frontière entre la lettre et la géométrie. Personnellement, je peux tout voir comme une lettre. L’arc de triomphe peut être une lettre N. Et toutes lettres peuvent être une forme. Cela va dans les deux sens.

« L’abstrait permet d’ouvrir le regard et la liberté de voir les choses. »

Quelques exemples d’acronymes crées par les artistes VAO : (merci à Emma !)

Vandalisme Artistique Organisé. Véritablement À l’Ouest. Vandales A l’Origine .Violent À l’Orgasme .Vengeance Avec Origami. Vivre Avec Obstination .Visual Artist Only. Votez À l’Ouest. Valeur Ajoutée Optimale. Vaccination Artistique Obligatoire. Vous Avez Oublié. Vaginal Anal Oral. Vous Allez Ou? Visions Abstraites & Optiques. Vite Aboule l’Oseille. Vachement Allergiques aux Ordres. Virtuoses À l’Occasion. Va Apprêter ton Orifice. Vers un Ailleurs Onirique. Votre Antidépresseur Original. Veillez À Oser. Véritables Acrobates Oniriques. Viral Abstraction Onirique .Vernis À Ongles. Vérité Artistique Opposée .Va À Ouvéa. Virus Actuellement Omniprésent. Venez Acheter nos Œuvres. Vieux Artistes Opiniâtres. Vodka Ayahuasca Opium .Vertical Aplat Oblique. Vilain Ado Obsessionnel .Valeur Ajoutée Ornementale.Vaincre et Abolir l’Oppression. Vivre Aimer Oublier. Vandalisme Artistique Organisé. Vifs Aèdes Oniriques .Vaillants Amants Ondulants. Vers une Autre Obsession. Vivre Aimer Oublier. Veste qui Arrache l’Œil, Venez Avaler des Œufs. Voleur d’Art Occasionnel.

Pour le prochain épisode, nous partirons discuter avec Harmony Namasté, qui donnera sa vision du crew et sa définition de l’acronyme.