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VAO & friends, l’exposition : à la croisée du graffiti et de l’abstrait – Épisode 5

Rencontre avec YGREK et Renzo : L’envers des lettres

Après avoir retracé l’histoire du crew VAO et ses différentes appellations avec L’Atlas, découvert la définition de l’acronyme VAO de Namasté, nous sommes partis à la rencontre d’Aleteïa et Zoo, Tanc et Bibi. Pour ce cinquième et dernier épisode, partons discuter avec YGREK et Renzo. Des techniques différentes autour de la lettre.

YGREK, les lettres cachées

Crédits photo Jane ©

Salut YGREK ! Est-ce que tu peux nous expliquer ce tableau ?

C’est une illusion optique avec une double lecture de la lettre Y. La première lecture se fait de près et la seconde apparaît en s’éloignant. C’est un procédé un peu magique, qui fonctionne surtout in-situ.

J’aime faire vivre une expérience particulière aux visiteurs. Je travaille beaucoup avec la géométrie et les contrastes, des formes qui font vibrer l’œil et vriller les cerveaux !

Pourquoi ce travail d’illusion optique ?

Dans l’espace public, je travaille principalement sur les grillages. J’utilise leur trame comme des pixels que je remplis avec des bandes de scotch. Cette contrainte (imposée par la grille) m’a mené vers un certain style graphique, qui m’a ensuite guidé vers les effets optiques.

Venant du graffiti, j’ai toujours voulu me démarquer. C’est finalement en me détachant du support conventionnel – le mur – que j’y suis parvenu. Mais mes motivations restent les mêmes, travailler la lettre et mettre mon nom partout. 

Les œuvres que j’expose en galerie ne sont pas toujours liées aux grillages, mais elles restent imprégnées d’un travail, basé sur une grille. Le grillage est un support très difficile à transporter, alors je dois trouver d’autres manières d’exposer mon travail. Cette transposition n’est pas toujours évidente, mais le travail sur l’art optique, est pour moi une bonne passerelle entre ces deux mondes.


« Quel que soit le support, je travaille en pixels. C’est une forme de pixel art. »

YGREK’ONER x VISIONART x CRY D’ER (2250m)
https://www.instagram.com/ygrek1/

Pourquoi le grillage ? Comment est-ce que tu es arrivé à travailler avec ce support ?

Je suis arrivé à travailler sur ce nouveau support par différents chemins.

La réappropriation des grillages est un bon moyen de se démarquer de toutes les autres pratiques qui peuvent se faire dans l’espace public (tag, graffiti, collage, etc). J’exploite ainsi un support plus atypique et singulier, que personne d’autre n’utilise.

C’est également une manière d’éviter les problèmes juridiques. Est-ce que mettre du scotch sur un grillage constitue un dommage à la propriété ? Il y a un certain flou juridique autour de cette question, car il n’y a pas de réelle dégradation. On peut assez facilement tout enlever, ce qui n’est pas le cas avec de la peinture.

D’un point de vue symbolique, le grillage évoque la frontière, la séparation entre deux choses. La peur, lorsqu’il délimite un espace privé, ou l’enfermement, lorsqu’il entoure une prison. J’essaye de transformer ces aspects plutôt austères en quelque chose d’unique, d’esthétique voir de poétique.

Tes lettres semblent un peu cachées, qu’est-ce que tu cherches à révéler par cette technique ?

Mes lettres se construisent toujours autour d’une logique. De prime abord, elles paraissent difficilement lisibles, mais lorsqu’on les regarde attentivement, on peut les décrypter, même les plus tordues.

La technique est de chercher les différences et d’y aller par élimination : « Ce n’est pas un A, ni un B, ni un C… » jusqu’à arriver au Y, au G, au R, au E et au K.

Chaque caractère ne pourrait pas en être un autre. Ce n’est pas forcément évident au premier coup d’œil, mais par élimination, on peut difficilement se tromper. 

« C’est aussi un jeu avec le spectateur. Une manière d’avoir confiance en lui et en ses capacités à décrypter mes créations. »

Souvent, j’adapte mes œuvres en fonction du lieu. Par exemple, si je suis au bord d’une autoroute ou d’une voie ferrée, je vais faire des lettres très lisibles, car le passant aura que quelques secondes pour les lire.

En revanche, si je suis dans un terrain vague ou dans la nature, je vais créer des lettres plus abstraites, parce que le promeneur aura plus de temps, pour essayer de les décrypter.

Finalement, ton objectif est aussi de créer un jeu, entre le lettrage et le spectateur ?

C’est ça, je l’invite à s’interroger, à se creuser la tête pour réussir à décoder mes créations. Et comme tout est basé sur une logique, je l’invite à essayer de comprendre la mienne.

Renzo, la face cachée des lettres

Crédits photo Jane ©

Peux-tu nous expliquer ton œuvre ? Comment s’est fait la rencontre avec ce support ?

Les panneaux de signalisation ont toujours attiré mon attention. Ils sont à la fois visibles, lisibles et leur langage symbolique leur donne une portée universelle.

J’ai trouvé mon premier panneau de signalisation en plein Paris, dans la rue ou j’habite. Il traînait et j’avais envie d’en faire quelque chose. Il symbolisait un “risque de chute de pierre“ et j’ai eu envie de le détourner de son sens premier.

Mon intérêt pour la géométrie m’a amené à travailler ce support en préservant sa structure originelle et en soulignant son identité graphique. De là, est née une « écriture » mêlant l’art optique et l’abstraction géométrique.
Le travail autour de la lettre m’a formé dans ma pratique du graffiti et dans la création typographique. C’est pourquoi par la suite, j’ai souhaité fusionner la lettre, à mon œuvre.

À l’image du graffiti, mes lettres n’ont pas de limite, dans leurs distorsions et leurs connexions, ce qui rend leur lisibilité plus difficile.

Dans un premier temps disposé de manière ornementale en s’intégrant aux formes, elle vient ensuite jouer un rôle plus important. La lettre devient l’élément structurant autour duquel l’espace s’articule.

Voilà comment le détournement de signes peut proposer une lecture alternative du support. Le panneau signalétique prendrait la forme d’un nouveau signal éthique ?

Tu parles d’un enfouissement de la lettre allié à de la géométrie. Dans cette technique, par quoi est-ce que tu commences ?

En étudiant l’histoire de l’écriture, j’ai appris la technique de la gravure lapidaire, présente dans l’écriture cunéiforme. Cela m’a inspiré.

Cette technique suggère l’enfouissement de la lettre par un effet de relief. La lumière dévoile l’ombre de la lettre. À partir de là, je me suis demandé comment transposer ce procédé en 2D.

En m’inspirant de cette technique, j’ai essayé de graver la part d’ombre, ou celle de lumière des lettres. Ce procédé permet de faire ressortir l’autre partie.

La gravure lapidaire fait naître des éléments géométriques simples pouvant être intégrés à un travail optique. C’est cet esprit-là que j’ai voulu retranscrire.

« Je me concentre sur le squelette de la lettre, son ossature. »

WE ARE ONE, 90x120cm, Paris 2020
https://www.instagram.com/renzo.graffiti/

En ce sens, tu t’attaches à faire ressortir la face cachée des lettres ?

C’est ça. Par le semblant de profondeur, la lettre peut ressortir en 3 dimensions. C’est le squelette de la lettre qui aide à découvrir sa face cachée. C’est au spectateur de repérer la structure de la lettre, de déchiffrer le message et d’éviter ainsi de tomber dans le panneau…

Lors de cette première phase de travail, mon intention est de mettre l’accent sur certains mots qui font sens pour moi. Rendre ces mots matières est une manière de suggérer une lecture plus attentive de ces mots. Semblable à une introspection de la lettre, j’emmène à un questionnement sur l’étymologie de ces mots, leurs significations et sur leurs portées. La lettre, comme une clé de compréhension du monde qui nous entoure.

Génial. Un souvenir avec VAO qui t’a marqué ?

Plusieurs ! C’est déjà la première expo que je fais avec une grande partie du crew. Avant cela, je n’avais pas vraiment eu l’occasion de tous les rencontrer et d’échanger.

Nous avons aussi pas mal voyagé, avec la team L’Atlas et Tanc. Ce sont des souvenirs mémorables.

Avec une partie de la team VAO nous avons aussi partagé de très bons moments lors du LaBel Valette festival !

Qu’est-ce que ces moments t’ont appris ?

Ça m’a ouvert pleins d’horizons différents et pas mal de techniques que je n’aurais pas forcément essayées. Ce sont aussi beaucoup de rencontres, des personnes qui m’ont inspiré. Par exemple, avec Bibi, nous allons essayer de confronter nos techniques avec une œuvre à quatre mains.

Cela m’a également confirmé que l’union fait la force et que le Hip-hop est une culture d’une richesse inépuisable.

Trop cool ! Donc futur collab Bibi x Renzo à venir ?

Bibi : Carrément, c’est vraiment nourrissant de s’essayer à ce genre de travail !

C’est tout ça aussi VAO, être entouré de plein d’artistes, super ouverts et qui donnent de la force pour avancer. Une grande famille !

Ça m’a montré un exemple de quelque chose que je ne pensais pas forcément atteignable à mon niveau et c’est super stimulant !

« VAO donne l’envie de pousser les limites de son art
VAO LOVE. »

Merci à L’Atlas, Namasté, Aleteïa, Zoo, Tanc, Bibi, YGREK, Renzo, toute la team VAO et à la galerie Ground Effect.