MISS VAN : RETOUR SUR 15 ANS DE CREATION

Si l’on se demande souvent quelle part de lui-même l’artiste met dans son œuvre et la nature plus ou moins autobiographique de celle-ci, la réponse vient tout naturellement lorsqu’on rencontre Miss Van. L’artiste a tout de la sensualité généreuse de ses avatars mutins: les yeux félins, la chevelure luxuriante et une coquetterie toute féminine qui se cache dans les moindres détails de sa parure.

Après avoir déserté le sol français pendant 7 ans (sa dernière exposition dans l’hexagone datant de 2011 chez Magda Danysz), sa farandole de femmes-poupées investit la Galerie Openspace du 19 mai au 16 juin pour une rétrospective inédite revenant sur 15 années de création de 2003 à 2018.

L’exposition compte plus de 90 œuvres dans une gamme de médiums allant du dessin à la peinture –à l’acrylique ou à l’huile- sur toile ou sur bois. La Galerie Openspace a ici choisi de mettre l’accent sur la cohérence de l’œuvre de Miss Van à travers une scénographie thématique plus que chronologique. Cependant l’exposition s’ouvre sur une confrontation entre présent et passé, ses premières œuvres et sa toute dernière série Gitana. Si en balayant l’œuvre de Miss Van du regard, on était tentés d’y voir une infinie variation sur le thème, ce parallélisme montre d’emblée les grands axes d’évolution de l’artiste et la maturation indéniable de son travail.

C’est d’ailleurs un regard amusé et distant que celle-ci porte sur ses débuts, en avouant franchement sa naïveté et candeur d’antan. «Je ne menais pas les mêmes combats» déclare l’artiste. Ses œuvres de jeunesse sont à ses yeux emprunts  d’un «exhibitionnisme» que l’on peut facilement rapporter au souci de se faire voir et de trouver sa place en tant que femme et artiste.  Ses avatars se déclinent alors en couleurs acidulées et arborent des allures de pin-up affriolantes et stylisées.

© Julie Morize

 

Au fil des toiles pourtant, le vocabulaire de Miss Van s’enrichit, nourri des mille et une influences culturelles de l’artiste, du cirque aux amérindiens en passant par le burlesque, pour capter l’essence du féminin entre raffinement et animalité. L’artiste l’affirme d’ailleurs sans détour : pour elle, la Femme est une amazone à la fois conquérante et fragile, sauvage et délicate.

Cette ambivalence s’incarne dans la figure du masque qui parcourt son œuvre et qu’elle décrit comme un accessoire de pouvoir qui fige et dissimule à la fois. On pourrait voir dans cette volonté de dissimuler une forme de pudeur qui fait peut-être tout le charme des œuvres de Miss Van : ses personnages semblent s’exhiber en se cachant, séduire tout en s’absentant, la partie visible servant d’écrin à ce qui nous échappe, un fond de mélancolie cachée derrière une sensualité exacerbée. A cet égard, il n’est pas anodin que Gitana, la dernière série de l’artiste, montre des femmes aux yeux entièrement noirs sur un décor orageux : la raffinement de leur parure ethnique n’a d’égal que l’aura de mystère qui les entoure.

Et si les poupées de Miss Van ont vécu en même temps qu’elle, passant de l’insouciance de la jeunesse au recul de l’âge adulte, c’est qu’elle a toujours peint dans l’impulsion du moment, suivant le fil de ses états d’âme pour se surprendre elle-même et se réinventer constamment. Cette sincérité de l’artiste dans son œuvre est essentielle à ses yeux et le gage de l’authenticité de sa démarche.

Pour Miss Van, on ne peut pas faire semblant en art et plaire aux autres est une tentation à laquelle elle s’efforce constamment de résister. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle elle crée de moins en moins dans la rue, ne voyant pas l’intérêt de refaire ce qu’elle a déjà fait et ce que le public attend d’elle. On l’aura donc compris, derrière une œuvre à l’apparence séduisante et fantasque se cache une artiste qui suit sa route intérieure sans rien céder aux effets de mode d’un mouvement qui en bénéfice pourtant beaucoup et dont elle émerge comme une des figures les plus marquantes sur la scène internationale.

 

Écrit par Hélène Planquelle

 

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