A l’occasion d’une balade, en longeant les rues de la gare St Jean jusqu’à la place de la Victoire, des messages particuliers sont visibles et peuvent nous faire réfléchir, tout en se demandant, mais qui a écrit cela et pourquoi ?
David Selor, Bordelais, « écrivain de rue » est l’auteur de ces textes qui nous font passer le temps si on laisse tomber l’idée du TRAM. 30 minutes de marche pour une dizaine de textes et de « Mimil » qui valent le coup d’oeil !
C’est parti pour quelques instants de détente avec Selor, graffeur et son animal domestique.
Depuis quand est-ce que tu graffes ?
À 10 ans, « SERON MONBATON » est venu peindre une nuit dans mon école primaire de Cognac (33).
Il a mis des étoiles dans mes yeux. Et j’ai commencé à m’imaginer être un graffeur.
En 2007, je me suis mis au graffiti classique. Puis, en 2013 j’ai commencé à peindre mon personnage appelé « Le Mimil ».
Quel est cet animal que l’on voit partout dans les rues de Bordeaux avec des messages un peu spéciaux ? Un loup croisé d’un chien avec un corps d’homme ?
Il peut être un loup croisé d’un chien avec un corps d’homme ? Ou une girafe approximative, un renard marin, un loup des rues…
On peut aussi y voir un animal domestiqué ou non. C’est un “Mimil”, tout dépend de l’interprétation du spectateur.
J’ai trouvé ce personnage au Portugal quand j’ai fait mon service civique auprès de personnes autistes. Les pathologies de ceux que j’ai côtoyés m’ont beaucoup touchées. Ainsi, par cette expérience, j’ai eu envie d’illustrer un personnage moitié animal, moitié humain. J’utilise « Le Mimil » afin de faire passer des messages sociétaux au sens large du terme. J’aime aussi jouer sur les mots, et créer une situation distrayante.
L’inspiration d’une phrase, qui peut me venir à tout moment, est instinctive. Comme souvent, il y a plusieurs interprétations possibles qu’elles soient positives ou négatives. Je laisse libre aux lecteurs de se les approprier, ou pas.
Est-ce qu’en un sens tu dénonces un peu l’homme et son comportement dans tes dessins ?
Mes dessins parlent du comportements des humains. En traitant des sujets comme la gentrification, la dyslexie, l’alcoolisme, les vices du sexe, certains y verront une dénonciation, mais d’autres y trouveront de la poésie. Quant à certains, ils trouveront ça ridicule !
Même si mes messages ne sont donc pas toujours explicites à tous, et ne font pas l’unanimité, j’essaye dans une limite du possible de la jouer finement, avec humour et dérision.
À tes débuts, tu étais de base graffeur puis tu as fais des peintures acryliques contemporaines, et ensuite tu es revenu au graff, comment ça s’est passé ?
En fin d’adolescence, je faisais déjà des toiles.
Puis je me suis mis à faire du lettrage graffiti pendant quelques années, mais tous mes potes graffeurs ont arrêté. Le monde du graffiti ne m’intéressait plus et je me sentais limité par le travail de typographie. Le graffiti est pour moi un monde de loups où chacun a ses propres codes qu’il tente d’imposer aux autres. Les codes du graffiti reviennent à la tête de son auteur sous la forme qu’il aura créée.
J’ai appris à peindre sans savoir dessiner. Mais après 6 ans de graffiti à écrire mon blaze j’ai fini blasé…
Il me fallait un moyen d’exprimer des situations. Et j’ai voulu faire des choses plus positives pour moi. J’ai commencé par faire une centaine de toiles dans le style de Basquiat, j’ai testé la peinture comme aux grottes de Lascaux (avec des œufs et de la terre), j’ai voyagé pendant plus de 5 ans… Puis je suis retourné dans les rues françaises avec « Le Mimil » sous le coude.
Aujourd’hui, je jongle entre des périodes de peinture sur mur ou sur toile. J’aime autant les deux.
Qu’est-ce qui t’inspire pour nous graffer ces messages dans la ville de Bordeaux ?
Je suis très inspiré par certains comportements humains que j’ai rencontrés ou juste aperçus. Je fais très peu d’histoires en continue. Le plus souvent, je propose un message inédit à chaque œuvre.
Ce qui me surprend le plus, c’est d’avoir autant d’échos de la part des professeurs des écoles… Peut-être que « Le Mimil » représente dans ses messages des difficultés qu’ils rencontrent dans leur job. Un cancre rêveur, incompris, qui ne semble pas être atteint par l’autorité.
Ça représente quoi pour toi le graffiti aujourd’hui ?
Pour moi ça représente un grand changement, voire un sauvetage, car j’estime avoir de la chance de peindre tous les jours. Et pouvoir en vivre grâce aux toiles, aux performances, et aux commandes.
L’art en général me possède, j’y pense quotidiennement. Même mes sprays sont trop chimiques et je suis devenu allergique aux solvants.
Je suis donc dans une transition qui me pousse à adopter un style plus acrylique et au pinceau.
Qu’est-ce que tu voudrais dire à nos lecteurs concernant tes œuvres ?
Je voudrais surtout remercier les personnes de l’attention qu’ils me portent.
Et vous dire que j’inspire juste à la liberté de m’exprimer légalement en l’exprimant de manière illégale.
“éh as l’heure où jeux voux zécri jeu dirèè queue jeu travailllle lotrogaff”
Penses-tu que tes messages nous font réfléchir sur certains sujets ? Est-ce ton objectif ?
Je pense que mes messages touchent certaines personnes, mais pas tout le monde. C’est le risque quand on écrit des phrases à libre interprétation sur des endroits publiques. Ce qui m’intéresse en premier lieu, c’est plutôt d’interagir avec les passants à travers mes peintures de rue. Amenant des alternatives sur leur chemin quotidien.
Je m’amuse à faire des clins d’œil, des jeux de mots, le tout au second degré !
Parfois, les gens que je rencontre me parlent de mes phrases et me remercient de les avoir amenés à y réfléchir, des fois ils se reconnaissent dedans. Je ne m’en rends pas compte, car j’écris ce que j’ai envie sur le moment, et après, je n’y repense plus trop.
Plus d’infos sur Selor