Nebay : « Pourquoi un artiste ne pourrait-il pas passer du papier à la toile ? »

Connu pour ses graff, il entre dans une nouvelle ère avec cette exposition au 42B : « Big Bang ». Nebay présente sa vision de ce phénomène majeur dans la création du monde. Quelques jours avant son exposition à la galerie 42B, il nous reçoit dans son atelier au Kremlin-Bicêtre, en Ile-de-France, avec un grand sourire et un « bienvenue » chaleureux.

Rentrons directement dans le vif du sujet, comment es-tu passé du mur à la toile ?

Je suis issu du graff que j’ai commencé à mes 12/13 ans parce que j’ai toujours aimé travailler l’esthétique des lettres. J’ai donc vraiment des années de pratique dans la rue et surtout au niveau des autoroutes comme l’A13 : cela reste le meilleur moyen de communication. J’ai toujours voulu être artiste, alors je me suis dit que c’était bien de le penser, mais maintenant c’était le moment de l’être. A mon retour de voyage, en 2003, je suis allé au bout de mon rêve et j’ai exposé 40 toiles.

Ce voyage, que t’a-t-il apporté ?

Beaucoup. Quand tu traverses la Mongolie, la Russie, le Laos et que tu croises tous ces mômes désœuvrés, tu te dis que tu dois aller de l’avant. Tu prends conscience de la chance que tu as. Ce voyage m’a apporté une certaine spiritualité. Par exemple, je continue de faire du bénévolat : dans la vie, il faut savoir recevoir mais aussi donner, c’est une éternelle spirale.

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Un travail saturé où nous retrouvons l’énergie de l’artiste © Marie-Ange Baudin

 

D’après Catherine Mikolajczak, galeriste du 42B, ton voyage t’a beaucoup inspiré pour ton exposition « Big Bang » ?

Nebay : En effet, on a travaillé ensemble pour ce projet. Je souhaitais partir sur autre chose, montrer une autre facette de mon travail.

Catherine Mikolaczak : Nous avons repris son histoire en prenant en compte par exemple ses croquis de 2003. Ils sont nés d’un travail en pur freestyle : ils avaient quelque chose de cosmique, de stellaire. Nous sommes partis sur l’idée de combustion, comme si le spectateur voyait l’image au microscope.

Nebay : je me suis pas mal remis en question. Ca nous a pris 7/8 mois de travail. Je souhaitais vraiment casser les limites des lettres, je veux les codifier d’où l’apparition des chiffres. Avec le thème de l’exposition, il s’agit d’ailleurs d’un clin d’œil aux formules chimiques que nous avions apprises en cours. Dans ces toiles, on y retrouve des couleurs vives qui sont une continuité de moi-même et mon côté saturé.

 Comment vois-tu le travail sur toile ?

En atelier, tu dépends du support. Sur un mur, tu n’as pas de limites, tu as en plus l’adrénaline donc tu débordes déjà des limites de la loi.

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Une installation où le public pouvait jouer avec les chaises. Codification, formules chimiques à vous de jouer © Marie-Ange Baudin


Et que penses-tu de la nouvelle génération de graffeurs, d’artistes urbains ?

Le graffiti est une véritable école et comme telle, il doit évoluer : suite logique d’un mouvement. Je salue les nouveaux. Il ne faut pas les craindre si l’on travaille bien. Notre mouvement a un regard de tolérance, nous ne devons pas l’oublier. Quand il est né, aucun d’entre nous ne savait que nous allions finir en galerie, que ce mouvement prendrait autant d’ampleur.

Après tout, pourquoi un dessinateur sur papier ne pourrait-il pas peindre sur une toile ou un mur ? Il en va de même avec le passage du mur à la toile. Depuis toujours, les artistes de rue ont peint en intérieur.

Cela reste de la peinture, de l’art, il n’y a juste que le support qui change. Les jeunes le savent et abordent donc différemment les choses. Ils veulent un succès immédiat surtout grâce aux réseaux sociaux. Nous, nous n’avions pas tout ça. Nous en mettions partout pour communiquer mais ce n’était pas forcément classe. Cependant nous le faisions avec nos tripes, nous partions à l’aventure comme Tom Sawyer de Mark Twain et les livres de Jack London. Nous avons construit la peinture d’aujourd’hui et on le voit grâce à cette nouvelle génération que nous inspirons.

 Enfin que souhaites-tu dans l’avenir ?

Que ma peinture soit limpide comme un cours d’eau : simple et efficace. Continuer de faire ce que j’aime, la peinture m’habite et j’aime partager cela avec le public.

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Une exposition qui a su donner du sourire, de l’émotion grâce aux toiles aux couleurs généreuses © Marie-Ange Baudin

L'Art, ma passion. L'art urbain, mon dada. Que dire de plus : journaliste et animatrice radio dans ce domaine, je parcours la France et le monde pour trouver de nouvelles perles.