« Collectif éphémère, artistes de tous horizons, aux pratiques variées, réunis autour du concept EVASIONS :
S’approprier un espace très particulier, la cellule, pour en faire un enfermement artistique environnemental, mêlant peintures, installations, projections, œuvres…
Le public, complétement immergé n’est pas que spectateur, il a un rôle à jouer, un échange avec certaines créations afin de réellement vivre l’exposition.
Les EVASIONS sont réelles et variées, peintes, sculptées, graffées ou interactives dans le hall, les cours et les cellules mais aussi dispatchées dans la Réole, faisant d’EVASIONS, une exposition cloisonnée et enfermée dans un écrin au passé bien présent, mais aussi libre et ouverte sur la vie, sur la ville, au contact de tous.
A découvrir du 16 juin au 26 août, du mardi au dimanche de 14h à 19h à l’ancienne prison de la Réole (33)
Le travail est conséquent, le lieu est extraordinaire et la prise de risque maximale.
16 cellules occupées, deux pièces communes, les jardins et plus d’une dizaine d’œuvres en ville, de la fresque graffiti et du street art en passant par le collage, les sculptures ou les installations ; 3 heures de visite dans les geôles ou en permission en ville. A ne pas manquer !!
Nous avons pu rencontrer « Jone », un artiste participant à cette expo unique !!
C’est parti pour l’interview !
Peux tu me dire quel est ce collectif qui a créé l’expo « evasions » ? et le présenter un peu.
Ce n’est pas un « collectif » au sens propre, qui était déjà soudé, c’est l’alchimie des différents artistes qui ont participé à EVASIONS
Ce type de projet est tout autant une expérience artistique qu’une aventure humaine ; je connaissais tous les )artistes et appréciais la personne comme le créateur. Pour la plupart, nous avions déjà travaillé ensemble sur des projets d’installation ou d’exposition ; pour d’autres, c’était une belle première occasion !!
Ce qui est intéressant aussi était de croiser les disciplines et d’avoir une variété de pannels présentés : une majorité sont issus du monde Graffiti : Repaze (777), Trakt (Peinture Fraiche), Disketer, X-or, Siker (Toulouse) ou le jeune Ose, mais Waldoo est peintre et plasticienne, Jean François André est (entre autre !) sculpteur et Chloé Sagnol est designer/ sculptrice. Il y a aussi l’homme de l’ombre qui s’occupe des lumières, Jutek, le technicien gérant l’éclairage et les jeux lumineux.
Mais tous se rejoignent dans leur pratique de l’installation environnementale. C’est ce qui a constitué ce collectif atypique et hétéroclite, éphémère, le temps d’une expo, nommé et nommée Evasions.
De plus, ces artistes sont quasiment tous originaires de la région bordelaise (la scène y est prolifique et tant mieux) ; venir ici, c’était aussi une évasion pour nous !
Il faudrait préciser que cette exposition est le fruit d’un réel parti pris, non collective, voire même un peu totalitaire, car il est le mien ! j’ai pris en charge la scénographie et l « ambiance » de l’expo , que j’ai proposé aux artistes. Tous ne partagent pas forcément ma vision des choses, mais ils ont quand même accepté de jouer le jeu de la mise en scéne (merci et/ou désolé)!
Peux tu te présenter, toi , en tant qu’artiste ?
Je suis JONE, graffeur et plasticien bordelais depuis 1995, je fus un des co-fondateurs des asso Peinture Fraiche et Transfert et suis intervenant graffiti pour l’asso Foksabouge. J’ai commencé le graffiti et les études d’arts plastiques en même temps et après avoir été des chemins parallèles, ils ont fini par fusionner, pour aboutir à des projets de ce type, par exemple.
Pour moi, le Graffiti spontanné, sans commande, se place sur un mur, dans l’espace public ou assimilé. C’est une peinture en deux dimensions.
Lorsque je peux intervenir dans un lieu fermé, qui n’est pas directement au contact du public, j’essaye de casser le côté linéaire du support, d’utiliser tout un tas d’autres médiums, avec une grosse préférence pour les matériaux de récupération graffiti (bombes, cap’s, étiquettes..) afin de travailler en 3d et d’essayer d « intégrer » le spectateur à l’installation. Ce n’est absolument pas un copier/collé de ce que je fais en graffiti.
Je suis pour un art avec fort impact visuel, alliant la forme et le fond , non élitiste, ouvert à tous, ludique et qualitatif. C’est le principe que j’ai voulu transposer pour EVASIONS. Avec pour originalité, de faire visiter une grande partie de l’expo dans la pénombre, où le spectateur se créer sa propre vision, se déplaçant avec une lampe torche tel un spéléologue, un surveillant ou un simple curieux, scrutant chaque détail !
J’ai déjà eu la chance par le passé de monter des expositions en essayant de casser un peu les codes (« Art Expo, l’Installation Urbaine » métamorphosant une salle des fêtes austère en une seule installation englobant sculptures, aquarelles, peintures abstraites, figuratives, photographies et graffitis . co-scénographié avec Waldoo, ALG Mérignac 2017, « Immersion » piscine abandonnée Castillon La Bataille 2015, « Spécimens » centre culturel Villeneuve sur lot 2011….)
Pourquoi ce nom « évasions » pour cette expo ? et pourquoi la prison de la Réole ? Comment s’est déroulé le projet ?
J’ai été sollicité en 2016 par la mairie de La Réole pour mettre en place une performance graffiti, ils souhaitaient quelque chose d’ampleur : 2 toiles de 10/2m se faisant face pour un battle graffiti de 6 contre 6 en 2 heures, départagé par le vote du public. Cette performance était réalisée sur la place jouxtant la prison, qu’ils m’ont fait visiter, en m’expliquant que c’était devenu un lieu d’exposition. Cela m’a de suite séduit. Ils m’ont recontacté à la rentrée 2017, peu avant « ART’EXPO, l’installation Urbaine » à Mérignac qui leur a donné envie de tenter l’aventure.
EVASIONS, nom assez bateau, logique par rapport au lieu d’exposition proposé, mais permettant de donner une thématique générale à l’exposition, sans pour autant brider les créativités car cela laisse le champ libre à toutes interprétations. Evasions physiques, matérielles, spirituelles ou conceptuelles au sein de la prison, renforcée par les 16 « cavales » en ville, œuvres évadées que l’on peut retrouver librement dispatchées dans La Réole.
Le lieu comportant 15 cellules, des jardins, des pièces communes plus les différentes créations sur la commune, il fallait une bonne équipe pour s’occuper de tout ça. Les artistes sollicités et motivés trouvés, le budget défini (la création n’a pas de prix, mais quand même !!), la logistique établie, on a eu 3 semaines pour tout mettre en place.
Comment ont été « selectionné » les artistes participants ?
Par pot de vin…comme partout !!! La plupart par légitimité artistique et l’apport que leurs univers pouvaient apporter à ce lieu : X-or, qui est paysagiste avait l’opportunité de lier graffiti et végétaux, poussant de l’extérieur et s’évadant à l’intérieur de la cellule. Siker, malheureusement connaisseur de ce type d’institution, qui après avoir transposé son histoire personnelle dans l’ex-commissariat Castéja en 2015, a pu continuer et créer la suite, l’incarcération. Disketer et son travail de maquettes-urbaines nocturnes correspondait parfaitement à une expo dans le noir.
Les autres ont été invités car leurs créativités et leurs capacités d’adaptation ont déjà fait leurs preuves par le passé, ou, pour Ose, d’avoir la possibilité de créer une installation pour la première fois, récompensant les efforts et le travail, de qualité, fournit ces dernières années.
Comment les artistes participant ont vu ce projet ?
Curieux, septiques, intéressés, sans avis particulier, enthousiastes : au cas par cas ou tout à la fois ! Certains ont travaillé par rapport au concept des lampes, d’autres par rapport à l’obscurité, par rapport au lieu physiquement (la projection-mapping de Repaze sur la nef par exemple) ou, à l’opposé, sans rien prendre compte, ne jouant que sur l’idée d’enfermement.
Certains ont été orientés par rapport au(x) lieu(x) et ses différentes symboliques, car il fut crypte, chapelle, église puis en 1849, prison, abandonnée dans les années 30, donc certaines métaphores religieuses (Waldoo, J.F. André) ou carcérales ont émergées.
Certains aussi étaient partant pour développer le côté interactif de leur installation comme C.Sagnol ou Disketer
Le lieu est incroyable et continuer l’expo dans la ville c’est genial. Le concept est enrichissant et un peu ludique, pourquoi un tel circuit en plus dans la ville ?
Cela permet d’offrir aux passants, riverains ou touristes une exposition à ciel ouvert, ouverte tout le temps et tout le temps visible, laissant une trace durable (pour la majorité, les autres seront démontées le 26 août). L’art au cœur de la vie.
Et aussi pour rebondir par rapport à l’appellation un peu à la mode « exposition street art » ; ce qui est contradictoire : si c’est « Street » c’est dans la rue, si c’est « expo », c’est de l’art, point. Il y a donc une expo emmurée et un parcours street art.
Il comprend au moins une œuvre par artiste, que ce soit une installation en vitrine ou sur un bâtiment historique, une fresque sur devanture ou à 15 mètres du sol, une recouvrant toute une maison ou renvoyant plutôt à des tableaux… les créations sont accessibles et partageables par tous.
Au sein même d’une ville d’art et d’histoire, les réalisations se mêlent à la richesse du patrimoine réolais, s’y confrontent, s’y télescopent ou s’y intègrent. Ce qui permet en plus d’attirer l’attention sur l’expo dans l’ancienne geôle et de donner l’envie d‘y aller.
D’autres projets comme celui ci bientôt ? et si oui, où ?
Quelques pours-parlers mais rien de sûr pour l’instant ! Sinon, je serais à Moissac (47), en occupation de magasins abandonnés avec Trakt pour recréer des ateliers d’artistes du 03 au 16 septembre, expositions de toiles et différentes créations individuelles dans le cadre de « l’Art s’Invite A Moissac » 2018
Pour le reste, je vous tiendrai au courant !!
Penses-tu que l’expo plaît aux fantômes encore existant dans cette prison (ahah) ? si oui pourquoi ? est-ce un hommage ?
Certains signes le laissent penser !! J’ai d’ailleurs changé le nom d’une de mes install après plusieurs jours (ou plutôt nuit de travail), elle s’appelle désormais « Vous n’êtes pas seuls ».
Certains endroits ont une ambiance ou une atmosphère particulière, celui-ci à une âme et un passé bien présent ! Le concept de mettre le public en tant qu’acteur, s’avançant à la lueur de sa lampe est en total cohérence avec le lieu.
La prison, utilisée pendant presque 200 ans, a été réouverte pendant l’occupation…. Une cellule permettant de faire resonner les rires d’enfants apporte, espère t’on, un peu de joie à Tous les spectateurs.
Si tu veux ajouter quelques chose !! 🙂
Merci à mes 10 co-détenus, à la municipalité de La Réole pour avoir tenté l’aventure à grande échelle, aux habitants rencontrés et à leur accueil,
A tous ceux qui s’y sont déplacés, venant d’assez prés ou de bien plus loin, à toutes celles et ceux qui s’y rendront, j’espère que cette expérience vous séduira. A Lucia, Vinh, Fonki, grand soutien ! et merci a Urban Art Bordeaux de s’intéresser à cet événement et de m’avoir donné l’occasion de pouvoir le faire découvrir !
Plus d’infos sur Facebook : @EVASIONS2018